Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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«A única pessoa realmente libre é aquela que não tem medo do ridículo»

le 12 septembre 2012

Pour faire écho à mon article précédent, j’ai toléré une petite cure d’histoire au Museu do Ipiranga, ou Museu Paulista.
Erigé à la gloire du Brésil indépendant et dans le but de transmettre aux paulistes l’histoire du pays (bien qu’initialement orienté vers l’histoire naturelle), le bâtiment est situé non loin du lieu où l’empereur Pedro Ier aurait proclamé l’indépendance. La fameuse toile de Pedro Americo, peinte en 1888, illustrant la phrase « Independência ou Morte » trône d’ailleurs dans la salle principale sous un médaillon représentant ce premier empereur.
Vieille d’à peine deux siècles, cette histoire se confond avec celle de l’industrialisation du pays. Place centrale du commerce du café durant le XIXème siècle et porte d’entrée du Minas Gerais (riche région agricole et minière), São Paulo est en effervescence. De l’abrogation de l’esclavage en 1888, éclot un fort besoin de travailleurs. Les européens, suivis de près par les japonais, immigrent en masse pour profiter du coffee boom. Le caminho do mar, route vers la mer, se développe rapidement grâce aux anglais qui, comme partout où ils passèrent en ce temps-là, mirent en place une importante infrastructure ferroviaire pour acheminer le café vers les ports. Pour se protéger de l’avènement de la bourgeoisie, facilité par la proclamation de la République en 1889, l’élite pauliste (café) conclut un accord d’alternance au pouvoir, dit du café-au-lait, avec les exploitants du Minas Gerais (production du lait). Lorsque l’euphorie de cet autre or noir retombe au tournant du siècle et lorsque la Grande Dépression vient changer les cartes de mains, São Paulo tressaille mais les investissements dans d’autres industries, permis grâce à l’afflux de capitaux, commencent déjà à porter leurs fruits. Pour vous rapporter ces souvenirs d’une gloire passée, il m’a été donné la chance d’apprécier une fois de plus la difficulté de se déplacer ici. Premier écueil : trouver un arrêt d’ônibus. Ceux-ci ne sont signalés souvent que par de simples bornes que l’on repère uniquement grâce à l’attroupement suspect d’autochtones à ses abords. Seconde difficulté : impossible de savoir quels bus passent à l’arrêt auquel on attend. La seule solution est de lire la direction indiquée sur le front des bus qui passent (aux arrêts auxquels j’ai poireauté jusqu’à maintenant plus de dix de bus différents s’arrêtaient). Dernier os à ronger pour s’occuper : l’itinéraire du bus n’étant indiqué nulle part dans le véhicule, les arrêts n’étant pas annoncés et leurs noms n’étant pas inscrits sur les stations, il faut patiemment s’adonner à un exercice d’inférence quant à sa position géographique à partir de ce que l’on voit par la fenêtre, ou alors se remettre entre les mains du destin.

Heureusement, pour se remettre de ces évènements terrifiants, la Vogue Fashion’s Night Out était là pour prendre la relève. Un évènement merveilleux durant lequel les enseignes du luxe servent bulles et petits fours à foison dans leurs salons, tout le long de la rua Oscar Freire. Une flûte à la main, un canapé dans l’autre, nous n’avions que faire de traîner nos guenilles d’étudiantes sur les sofas moelleux des plus grandes maisons. Le plus étonnant était que la soirée n’avait pas réussi à attirer les foules puisque nous n’étions qu’une petite centaine dans la rue à papillonner d’une boutique à l’autre, quand mes amies milanaises me racontent les passions que le même évènement déchaîne à Milan. Et malgré le champagne et la caïpirinha qui coulaient à flot, je n’ai pas eu l’impression que l’ivresse poussait les gens aux dépenses irraisonnées que les magasins participants avaient certainement espérées.
Redescendons un peu de nos hauteurs et étudions un peu les drogarias (parapharmacies, comparables à Boots en Angleterre). Fleurissant un peu partout dans la ville, elles illustrent au pied de la lettre les principes de base du marketing pour les populations à faible revenu (bien que SP ne soit pas vraiment représentative de cette tranche de la population) : abondance et petites quantités. Comme chez Tesco, la queue pour la caisse est entièrement encadrée par des bacs débordants de produits, auxquels il est difficile de résister. Si l’on y retrouve les habituelles barres chocolatées, les classiques baumes à lèvres et les banals savons, tous les autres produits vendus usuellement en pharmacie y sont aussi proposés en doses uniques ! On pourra acheter, par exemple, pour quelques centimes de reais, un cachet d’Aspirine, un mini gel douche, un comprimé de n’importe quel médicament, etc. Le raisonnement étant qu’une personne aux moyens limités n’achètera jamais la boîte entière, ce qui serait un comportement de prévoyance. Pour subvenir à ses besoins, il est plus simple de vivre au jour le jour en économisant le prix des médicaments non consommés pour pouvoir acheter d’autres produits. L’Oréal diversifie d’ailleurs d’ores-et-déjà ses packagings en Inde puisque la maison propose des shampoings en sachets de 5ml pour 1,5 roupies.

Une petite remarque des plus inquiétantes de mon ami E. (qui s’avère être en stage à São Paulo durant mon séjour par la plus pure coïncidence) : on constate les prémices d’une utilisation massive de ce type de stratégie marketing en Europe puisqu’avec les difficultés économiques de nos pays le comportement des consommateurs commence à se rapprocher de celui de populations plus précaires. Toutefois, des médicaments à l'unité pourraient aussi mener à moins de gaspillage.

Je vous laisse sur cette observation, j’ai un exam à ne pas réviser demain.