Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Ser Minas tão Gerais

le 10 octobre 2012

Tous les voyages comptent leur lot d’aventures miteuses et c’est avec une immense joie que je m’apprête à vous en conter une avant de vous emmener dans les montagnes de l’arrière-pays brésilien.

Mardi après-midi, tandis que M. et moi révisions avec la plus grande application dans le salon, une détonation se fit entendre, suivie d’une seconde puis d’un énorme flash. Pour vous donner une idée de l’intensité lumineuse, sachez que le séjour ne comporte aucune fenêtre sur la rue. Armée de tout mon courage je me dirigeai vers mon balcon pour savoir ce qu’il se tramait mais M. me retint d’un grand cri : « Don’t go! ». Accroupie mais téméraire, j’y rampais tout de même. Toute cette peine pour constater, non pas un attentat, non pas l’invasion vénusienne, mais simplement l’explosion du générateur électrique de notre bloc d’immeubles. Malin, la veille d’un exam. Petit détour au Carrefour pour faire le plein de bougies. L’obscurité ne découragea pas G. qui s’attela avec sa lampe frontale à préparer des caipirinhas : quitte à ne pas réviser, autant le faire dans la bonne humeur. Les ténèbres semblant exalter la créativité, G. nous inventa ensuite la Gregchaça, soit une larme de cachaça dans la camomille vespérale. Un cocktail des plus écœurants, qui marqua la fin de cette anecdote trépidante.

Le wifi revenu le lendemain matin et mon exam passé, je sautai dans le bus, direction le Minas Gerais. Cet état, l’un des vingt-six que compte le Brésil, est connu pour son héritage colonial. Plus grande que mon cher vieux pays, cette riche province recelait et recèle peut-être toujours or et diamants à foison. Aujourd’hui la région, dont le nom signifie « mines générales », fournit le pays en fer ainsi qu’en produits agricoles.
Diamantina fut notre première étape. Je vous libère, magnanime comme je suis, de ce suspens intenable : à Diamantina, on trouvait des diamants. Le style est très semblable à celui de Parati, à cela près que nous ne sommes pas dans une ville musée. Les habitants se sont en effet complètement approprié le centre historique et nous devions bien être les uniques touristes de la ville. Nous logions dans une superbe demeure coloniale pour trois sous et prenions nos repas chez SiSiSi, la cantine locale. Nous nous mêlâmes même à la plèbe en assistant à la messe de la Saint François d’Assise, fervent défenseur des animaux.

Dans le monde, Diamantina est avant tout connue pour être inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Au Brésil, Diamantina est avant tout connue pour être la ville d’origine de Juscelino Kubitschek, une véritable fierté locale (pas de panique, je vous reparlerai de lui dans mon article sur Brasilia).
Le plus amusant fut d’entrer dans l’imposante cathédrale, baroque comme tout ce qui se faisait en ce temps, d’en apprécier l’ornementation dépouillée, voire presque protestante, et de finalement redescendre sur terre en constatant que la colombe dans le triangle de lumière au-dessus de l’autel a été remplacée par un gros diamant. Ne perdons pas le nord.

En vérité, les villes que j’ai visitées dans le Minas, hormis la gare routière de Belo Horinzonte, sont toutes trois inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Après Diamantina, je vous invite à me suivre pour sept heures palpitantes dans un car traversant le parc Serra do cipó. Au milieu de ce désert minéral, on croit parfois déceler l’entrée des mines de la Moria mais c’est en fin de compte vers Ouro Preto qu’il nous transporte.
Anciennement dénommée Vila Rica (ville riche), la cité attira tout ce que le monde put contenir de téméraires et d’intéressés : c’était la ruée vers l’or. Cadenassant la région aurifère, Ouro Preto comptait, en 1750, plus d’habitants que New York ou Rio de Janeiro (dixit Wikipédia) !
Comme toutes les villes construites en ces temps-là, elle abrite son lot d’églises baroques. On doit leurs décorations à l’artiste de la région : l’Aleijadinho. Fils d’un architecte portugais avec son esclave africaine, il grandit aux côtés de son père à qui Ouro Preto doit également quelques uns de ces plus hauts lieux. Auteur des plans et des décorations intérieures de l’église de Saint François d’Assise, entre autres, il reste plus connu pour le médaillon qu’il sculpta de Saint François recevant les stigmates et qui se trouve sur le fronton.

Atteint d’une lèpre sévère, il devint peu à peu infirme et l’on rapporte qu’il se faisait fixer ses outils sur ses moignons. C’est dans cet état qu’il acheva le remarquable sanctuaire de Bom Jesus de Matosinhos à Congonhas (que nous ne vîmes malheureusement pas).

Les plus attentifs remarqueront que la pierre utilisée pour les sculptures a une consistance bien étrange. Il s’agit de pierre à savon, un matériau très malléable et que l’on trouve en abondance au Brésil. Utilisée pour parfaire le Christ Rédempteur de Rio, sa finesse est pourtant bien loin d’égaler celle du noble marbre.

Ouro Preto se fit également connaître pour avoir été le premier bastion de la révolte pour l’indépendance. Fief de Tirandentes (littéralement « arracheur de dents », il était dentiste), le pays vit, répandus sur ses terres, les restes de son héros, écartelé à Rio en 1792 pour avoir pris part à des conspirations indépendantistes. Réhabilité par la République qui cherchait des personnalités autour desquelles construire son identité, grâce lui est rendue à Ouro Preto dont la place centrale porte son nom.
Le Minas, ce ne sont pas que l’or, les diamants et les héros de l’indépendance. C’est, avant tout, l’agriculture et les vaqueiros, ou cowboys nationaux que l’on trouve sillonnant les villes sur leurs vieux canassons. Prenons notre temps, la devise de la région n’est-elle pas Libertas Quae Sera Tamen (liberté même lorsqu’elle vient tard) ?

Peut-on parler de liberté sans parler de Chico Rei ? Sa légende court dans toute la province. Roi africain, embarqué avec les siens pour l’Amérique, il vit périr en mer sa femme et certains de ses enfants. Les fers aux pieds il travaillait tout le jour avec son fils dans les galeries et parvint à lier une amitié avec le directeur de la mine, si forte que celui-ci la lui légua. Chico Rei put alors racheter sa liberté et celle de son clan. Il fit décorer avec faste une église perchée en haut d’une colline, surplombant à la fois la ville des prospecteurs d’or et le quartier des esclaves.
Pour être franche, les 70 000 habitants d’Ouro Preto ne sont pas tous logés dans les superbes vieilles demeures coloniales mais plutôt dans ces lacis de ruelles à flanc de coteau dont le paysage est si commun au Brésil.
Ouro Preto s’est fait la part belle mais n’oublions pas que la première pépite ne fut non pas trouvée à OP, mais bien à Mariana. Nommée ainsi à la gloire de Marie-Anne d’Autriche, femme du roi du Portugal, la ville a rapidement décliné au profit d’Ouro Preto. De même, Ouro Preto déclina rapidement à la faveur de Belo Horizonte lorsque la ville, sise dans une cuvette, ne put plus se développer et accueillir la moindre industrie.
Peu touristique (il n’y a aucune poubelle publique) mais extraordinairement riche en églises de même, Mariana vint parfaire notre connaissance du style baroque. On ne peut s’empêcher de noter l’énième présence d’une église Saint François d’Assise. Plus original, nous vîmes trois chevaux en complète liberté caracoler dans la ville.

Mariana fut la terre nourricière de l’autre chantre de l’art religieux de l’époque, Manuel da Costa Ataide ou Mestre Ataide qui réalisa la plupart des peintures de la région. On pourra, entre autres, remarquer le plafond d’une église d’Ouro Preto (Saint François d’Assise, qui l’eût cru?) qui représente l’ascension d’une vierge aux traits de négresse ! Hâtez-vous d’aller les contempler, toutes ses œuvres sont sur bois et risquent de bientôt partir en fumée avec un incendie comme cela se produit déjà de temps à autre.