Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Até lá, triste, Chant d’Automne de Baudelaire !

le 15 novembre 2012

Trois mois après y avoir déambulé une première fois, me revoici enfin bravant les héroïnomanes. Ancien cœur de São Paulo, le Centro est à bien des égards repoussant, surtout à la tombée de la nuit sur le parvis de la cathédrale jonché de sans-abris drogués. Comme j’ai pu cependant déjà le relater, ses rues aux exhalaisons d’un passé glorieux exercent sur les passants une fascination mélancolique. Réminiscence des temps fastes de la production de café et de l’essor industriel du Brésil, l’enseigne de la Bolsa de Valores, Mercadorias e Futuros de São Paulo reluit sur plus de la moitié des porches du quartier.

Cette bourse est le résultat de la fusion de la BM&F (futures) et de la BOVESPA (actions) en 2008. Cette alliance la propulsa cette année-là au rang de troisième place financière mondiale (en terme de capitalisation boursière). Elle se contente aujourd’hui de la huitième position avec 1 229 milliards de dollars fin 2011 (Paris est première dans ce classement puisqu’elle appartient au titanesque groupe NYSE Euronext qui représente 14 242 milliards).
A disposition des curieux, l’un de ses bâtiments abrite un atrium dans lequel on trouvera la projection en 3D d’un film sur l’entreprise et l’activité boursière, des tableaux indiquant les valeurs et leurs cotations, un petit musée ainsi qu’une cafétéria. Trône au milieu de la salle la simulation d’un bureau de courtage, où tous les reportages ayant trait à la bourse pour des journaux télévisés sont tournés. Nous avons d’ailleurs pu assister à la réalisation d’un documentaire par hasard et constater que des brokers faisaient bien semblant d’être au téléphone pour la caméra.
Nous fîmes encore un petit détour par la bibliothèque de la BM&F BOVESPA d’où nous repartîmes les bras chargés du gros livre anniversaire de l’institution, gracieusement offert à qui a ses entrées. Ce retour inopiné dans le monde de l’entreprise et les environs pullulant de lanchonetes (bouis-bouis) nous mirent en appétit et la découverte d’un restaurant au kilo sur le toit aménagé d’un immeuble nous donna l’occasion de déjeuner dans un jardin suspendu avec une vue imprenable sur l’Edifício Altino Arantes d’un côté (souvenez-vous, la copie de l’Empire State Building), et sur le Mosteiro de São Bento de l’autre.
Charmée par ce monastère ayant hébergé le Saint Père en 2007, j’allai le visiter et fus subjuguée par son impressionnante ornementation ainsi que par la finesse des peintures au plafond.
D’autres décorations du meilleur goût sont déjà apparues dans São Paulo pour Natal. Des luxueux centres commerciaux aux devantures de supermarché, les arvores de Natal se dressent et s’étalent partout. Le Papai Noel n’est pas en reste ; emmitouflé dans son grand manteau, il côtoie sur la Paulista débardeurs et bermudas. Ses renas viennent d’ailleurs d’établir leur pâture devant la banque Itau.

Tout cela est bien paradoxal lorsque l’on met ces préparatifs de réjouissances en parallèle avec la vague meurtrière qui frappe São Paulo depuis deux/trois mois. En effet, rien que samedi dernier (alors que nous étions tranquillement en train de festoyer à la Gioconda, la plus grosse soirée GV de l’année) il y eut une quinzaine de morts et autant de blessés, ce qui amène le nombre de défunts en deux semaines à 140. La police a tacitement déclaré la guerre au groupe mafieux PCC (Primeiro Comando da Capital) qui contrôle le milieu carcéral. Cette organisation étant puissante et unique, elle jugulait d’ordinaire la violence à São Paulo puisqu’elle empêchait l’émergence de gangs, comme c’est le cas à Rio.
En parlant de violence, je m’envole demain pour Salvador, vingt-deuxième ville la plus dangereuse au monde, pour visiter l’état de Bahia. Quoi de mieux pour se remettre de l’hiver qui s’achève que de sauter dans l’été brésilien à pieds joints ? Après tout, Mon semestre ne fut qu’un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils. Déjà nous plongeons dans les ardentes eaux claires ; Até lá, triste, Chant d’Automne de Baudelaire !