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Nouvelles #12 Le Lot investit la Californie

le 10/6/2015

Camarades,

En cette époque de congrès d'été, le comité central de la famille L avait décidé de tenir son grand rassemblement annuel au Nouveau Monde. De frondeur, il ne s'en trouva pas pour refuser les charmes exotiques du Pacifique. Champignonnistes du dimanche ou trufficulteurs confirmés, toutes les générations laplazinoises étaient du rendez-vous.
Les cousines C et N avaient élu domicile en Californie cette année-là. Fruit de toutes les coïncidences, les parents de chacune les visitant au même moment et par un complet hasard d'autres cousins encore s'ajoutant à la partie. Loin des causses, des gariottes, des moutons, des cantous et des cabecous, onze Lotois de sang, de cœur ou d'adoption arpentèrent donc ensemble les promenades des bords de mer de San Diego le weekend dernier.

Enfin la Californie ! San Diego se calque tout à fait à l'image que je me faisais avant de débarquer en janvier : les jeunes californiens paradant sur la digue le torse nu et bronzé un surf ou un skate à la main, les groupes de copines en maillot de bain, l'océan, les palmiers, la chaleur et une certaine nonchalance généralisée. Elle était là ma Californie rêvée, insouciante et bercée de soleil.

C habite avec son mari et ses enfants dans une grande maison où elle put tous nous loger. Nous retrouvâmes donc les joies des grandes tablées. Entre deux tartines, nous rattrapions au petit déjeuner les éclats du Top 14 et la victoire helvète à Roland Garros, avant de partir vagabonder.
Ocean beach, Coronado beach, La Jolla cove beach, vous l'aurez compris : je n'ai pas mis le pied dans les traces des premiers explorateurs européens qui fondèrent à San Diego une des premières missions de la côte ouest. A onze et avec des enfants il était bien sûr ambitieux d'espérer visiter toute la ville mais papoter avec ma famille et flâner sur la plage tint la comparaison.
D'autant plus que, mieux que de marcher dans des pas de missionnaires, je pus me jeter dans les vagues comme Marilyn Monroe l'avait fait avant moi dans Some like it hot et arpenter la terrasse de l'Hôtel du Coronado à la recherche d'un millionnaire. En fait de radoteurs séniles en quête de demoiselles à entretenir pour égayer leurs vieux jours, il fallut composer avec la nouvelle foule plus plébéienne de l'établissement. Sans public mais non pas sans entrain, les naïades se jetèrent tout de même dans les flots. Un régal !
Il fallut bien rentrer pourtant, renvoyer son bout de France par avion et retourner le cœur un peu gros au bureau. Ce sable chaud sentait si bon...



Afin de préparer au mieux nos grandes célébrations caussoises, les délégués commencèrent à affluer en Californie dans les semaines précédentes. Tel fut le cas de ma mère qui brava tous les obstacles pour retrouver sa fille chérie. A peine atterrie, il lui fallut retrouver de l'ardeur et nous nous dépêchâmes de placer son voyage sous l'égide de Dionysos. Nous fîmes donc route pour la vallée de Sonoma au nord de la baie pour inaugurer quelques fûts en son honneur. J'avais par le passé avec mon entreprise déjà pu déboucher quelques bouteilles sur l'autel de Bacchus dans la Napa.

Une winery dans la Napa avec des collègues
Vous avez sûrement déjà entendu parler des vins californiens ou de Robert Parker, le critique de vin qui fait la pluie et le beau temps. Les Américains sont au rendez-vous pour leur part de ce qui n'est plus une chasse gardée hexagonale. La production se fait dans deux vallées parallèles : la Napa et la Sonoma. La Napa valley est la plus touristique : c'est le rendez-vous du weekend de tous les californiens en goguette. Les wineries les plus connues et les plus impressionnantes s'y trouvent alignées le long d'une unique et longue route embouteillée (dans tous les sens du terme). Ceux qui ont réussi se font construire d'incroyables édifices rappelant les grandes demeures et les paysages de Toscane. Ceux qui ont vraiment réussi se font bâtir un château fort du XIIIème siècle de toutes pièces en important pierres et maçons d'Italie.

Le Castello di Amorosa, un château fort du XIIIème siècle inauguré en... 2007 !
Le tourisme à travers la dégustation (monnayée entre $15 et $25 pour 5-6 vins) et la restauration devient une véritable part du chiffre d'affaires de ces maisons. Nous ne parlons pas ici de petit producteur affable auquel on achète bien volontiers quelques bouteilles de sa piquette pour l'heure passée à papoter. Il s'agit plutôt d'une machine commerciale bien rodée : on achète sa dégustation, des barmen vous versent au compte-goutte le précieux élixir et font défiler les vins rapidement sans perdre leur temps en conversation avant de vous demander si vous comptez acheter puis de vous congédier pour passer au groupe suivant. Au bout d'un moment, on finit par saisir que ce qui est vraiment chouette n'est pas de débourser ses sous mais simplement de déambuler parmi les pampres sous le soleil et loin de la foule (bien que cela soit généralement interdit - il faut ruser) sans plus boire une goutte de liquide.

La ville plus pittoresque de Sonoma
Sonoma fut d'ailleurs le théâtre du premier acte d'indépendance de la Californie vis-à-vis du Mexique. 24 rebelles s'y reranchèrent, se déclarèrent République de Californie et créèrent le Bear Flag (le drapeau aux ours), ancêtre de l'actuel étendard de la Californie.
Quant à la boisson elle-même, est-elle buvable ? Assurément, mais pour un prix qui fera sauter votre béret au plafond. Ce vin vaut tout à fait le nôtre mais le prix est sans commune mesure. Compter $50 la bouteille moyenne quand à 50€ on s'offre déjà un morceau d'Eden en France. Oubliez le verre de vin rouge à 4€ au bistro le mercredi soir, comptez au moins $10 pour moins bien. En cela, le vin reste donc une forme de luxe qu'il faut s'enorgueillir à connaître. Fi du terroir d'ailleurs, ici l'on semble bien plus fin en demandant un cab (diminutif de cabernet) qu'un margaux.


Une vidéo montrant la fin d'un home-run
La visite maternelle fut pour moi l'occasion de faire une nouvelle expérience des Etats-Unis à travers un sport auquel les papas font jouer leurs fils le dimanche au parc pour en faire des hommes, des vrais : le baseball. Cette discipline n'a pas la poésie du rugby ni la fougue du curling mais n'en est pas moins intéressante pour autant. Tous vêtus de orange, aux couleurs des San Francisco Giants - l'équipe de la baie et couramment détentrice du titre de champion - nous nous rendîmes au AT&T Park assister à un match officiel contre les Atlanta Braves. Le cadre était superbe. Ce stade, avant tout connu pour avoir été le théâtre de la promesse du plus beau moment de la vie de Kim Kardashian, offre surtout une vue splendide sur la baie et ses voiliers (les gradins de baseball ne comptent qu'un seul virage).


Ce qui se passe aux Etats-Unis, reste aux Etats-Unis. Tel était sûrement la croyance naïve de ma mère lorsqu'elle accepta de bon cœur d'aller au champ de tir. Je me refusai de participer à ce passe-temps barbare mais les accompagnai tout de même, histoire de prévenir le meurtre d'une ex-future-belle-mère. Je vous rassure, le champ de tir est un endroit plutôt sécurisé. D'une part car il y a des procédés et des agents qui surveillent et d'autre part un jeune homme qui voudrait tuer un maximum de personnes se trouverait assez malvenu d'ouvrir le feu sur des gens autrement plus armés que lui et qui n'auraient aucun remord à riposter. Malgré cette apparence organisée, la bonhommie américaine des habitués et le cadre bucolique (perdu dans les collines), les détonations incessantes et parfois assourdissantes de certains énormes calibres n'ont rien de rassurant. Il semble tellement absurde que des gens pratiquent l'arme de guerre de façon régulière. Dans la zone dédiée aux pistolets, on s'étonne que les cibles soit des dessins d'êtres humains avec clairement indiqués à être visés le cœur et la tête. Difficile d'avaler les couleuvres lorsque l'on vous parle d'auto-défense ou de sport alors que l'on s'entraine clairement à tuer.

Mon nouveau bureau de San Francisco avec un distributeur de bain de bouche aux toilettes
En semaine, je l'emmenais à San Francisco, qu'elle visitait seule tandis que je me livrais à un dur labeur. Nous avons d'ailleurs changé de bureau à SF et avons troqué la puissante Montgomery Street pour une rue dans le Tenderloin. Si ce quartier fait dresser au San Franciscain ses cheveux sur sa tête, les locaux sont formidables. Sis au coin de Market Street dans le Golden Gate Theatre, il s'agit d'un espace partagé par de nombreuses startups et au décor de loft new-yorkais.
Nous assistâmes un soir à la comédie musicale primée neuf fois aux Tony Awards, The Book of Mormon. Elle raconte l'histoire de jeunes mormons qui partent en mission prêcher le mormonisme en Ouganda. C'était formidablement drôle et certaines blagues étaient déroutantes dans le contexte américain. Ici tout est très policé et politiquement correct. Il y avait donc de quoi s'étonner de voir caricaturés les africains en crève-la-faim un peu bêta qui ont tous le sida et d'entendre toutes les blagues qui allaient avec.
Pour mémoire (et pour rigoler), les Mormons croient que des juifs avaient fait souche en Amérique plusieurs siècles avant JC, qu'ils avaient un prophète appelé Mormon (le seul prophète américain), que JC les a visités après avoir ressuscité, qu'ils ont disparu, que Joseph Smith a déterré les écrits de Mormon (troisième testament) dans son jardin en 1830 et a créé l'église des mormons. Ils seraient 6 millions de croyants aux Etats-Unis et sont principalement établis à Salt Lake City.

Je vous laisse porter cette bonne parole et vous dis à très vite !
"Ainsi donc, après un petit chantage affectif successful auprès de ma chère progéniture, j’ai pu enfin prendre mon envol pour l’Amérique, plus exactement la vallée du silicium. Un WE flanquée de mes deux GO, trois/quatre jours on my own à SF et à la piscine de la résidence : eau chaude, ciel bleu, toute à moi puisque mes hôtes sont toujours très occupés : N. a des « call » (un « call » consistant pour elle à s’affubler d’un casque avec micro pour parler à son PC en subissant une mutation de la voix, qui prend soudain des intonations enjouées et charmantes), R. s’initie aux subtilités du coréen et de la navigation.

Je laisse à la propriétaire de ce blog le soin de décrire la visite aux pinardiers de la Sonoma (vins sur-alccolisés, capiteux, arôme entêtant de fût de chêne, servis un tantinet trop tiède, 40$ la moindre bouteille !). Itou pour le match de baseball, espèce de balle au prisonnier un peu compliquée, dans une ambiance vraiment sympathique où le public enthousiaste se lève comme un seul homme pour entonner des chants patriotiques d’encouragement à l’équipe locale (lamentablement piégée par les visiteurs à la toute fin des trois heures de match).

Ce qui frappe dans le paysage est l’absence de campagne comme nous la connaissons en Europe, c’est-à-dire de paysage façonné par l’agriculture. Pas de chant de petits oiseaux le matin et le soir (R. me contredit violemment sur ce point). Je n’ai vu que les maisons américaines sans étage dont pas un pouce de jardin n’est naturel d’une part, et les paysages boisés des collines de la Silicon Valley sans doute inchangés depuis la conquête de l’ouest (sauf que Porsches et vélos ont remplacé les chariots des colons) d’autre part.

Ayant parcouru le Routard sans précaution, et lu que SF se visitait à pied, j’ai commencé par courir la ville avec mes seules baskets. Mauvais calcul, aux US il faut oublier la marche à pied dans 80% des cas. SF est une ville immensément étendue, qui monte et qui descend. C’est un cliché bien connu que tout est grand ici : les maisons, les villes, les voitures, etc. J’ai mis plus de 2H30 pour gagner à pied le centre de Menlo Park où logent mes hôtes, sans jamais trouver vraiment de centre-ville.
Ne pas croire à SF qu’un RDV est assuré lorsqu’on atteint la rue mentionnée. Celle-ci peut comporter des milliers de numéros et traverser des quartiers complètement différents, de chics à craignos. J’ai ainsi raté une conférence de présentation du jardin japonais au Golden gate park.

Le jardin japonais
Chinatown dès lors paraît de taille plutôt modeste, et agréable à parcourir. C’est une ville dans la ville, habitée par des gens pauvres qui habitent paraît-il dans quelques mètres carrés, partageant une cuisine à plusieurs. Les vieux immigrants qui ne parlent souvent pas anglais préfèrent rester dans le quartier malgré les conditions de vie difficile car ils y trouvent tout ce dont ils ont besoin. C’est un quartier chinois qu’on connaît par le cinéma bien sûr. Les associations d’entraides qui assurent le quadrillage social, les puissantes « tongs », ont pignon sur rue, les banques sont déguisées en pagodes, l’herboriste semble tout droit sorti du film de Woody Allen. Visite d’une boutique invraisemblable où on trouve des faux semblants de tout ce qui rend la vie agréable : mots gentils, parfums, nourriture, alcools, vêtements, etc. Ceux-ci seront brûlés pour accompagner le défunt dans l’au-delà. Ils en ont bavé, les chinois, victimes de discriminations jusqu’à la dernière guerre (quand les US ont eu besoin du soutien de la Chine contre les japonais). Ils n’avaient même pas le droit de prendre le chemin de fer qu’ils avaient construit ! Opium, filles vendues, etc. Le quartier conserve la marque de ces souffrances. On y mange bien pour pas cher, on y trouve plein de fruits et légumes, des animaux vivants (la guide m’a dit d’un air entendu que c’était pareil en France, isn’t it ?).
SF bien sûr ce sont d’abord ces merveilleuses maisons décrites déjà dans ce blog dans un épisode précédent. On en trouve dans tous les quartiers, certaines se vendent des fortunes.
Même « Mission », le quartier latinos, en est plein. Ce quartier plutôt foutoir, très populaire bien qu’en voie (lente) de boboïsation, est célèbre pour ses fresques murales. Il ne s’agit pas de tags, mais d’authentiques œuvres d’art élaborées par des collectifs d’artistes. Elles expriment souvent un point de vue politique radical, et multiplient les références à la culture indienne. Certaines sont particulièrement réussies.
Quelques impressions générales : la population de SF semble être répartie à parts à peu près égales (mais à vérifier) en population d’origine asiatique, européenne et en latinos. Très peu de noirs, sauf chez les homeless. Mais tous sont d’abord américains et plantent fièrement le drapeau américain devant leur maison ! J’imagine le procès en chauvinisme si je m’amusais à faire de même.

Ce qui est frappant c’est la gentillesse et la serviabilité des américains, toujours disposés à répéter leurs explications, toujours souriants. Rien à voir avec notre charmant pays de mal lunés. L’obésité n’existe pas plus ici qu’en France, au moins dans downtown. Il paraît toutefois qu’il s’agit d’une particularité de SF, et bien sûr de Stanford, le campus mythique de Menlo Park (quel plaisir de solliciter les étudiants aux physiques d’acteurs de cinéma !). Ambiance très cool, vélos en nombre."

Musée d'art asiatique de SF : sans doute Parvati et Shiva son époux en grande forme
Stanford
M, France