Curiosix La France n'est pas une nostalgie, elle est une espérance

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Nouvelles #19

le 16/09/2015

Bonjour chers lecteurs,

L'occasion fait le larron. Je profite de ce que deux de mes collègues aient récemment mordu à l'hameçon pour aborder le sujet le plus brûlant de notre épistolaire : le rite amoureux américain.

A mon retour de France, une de mes collègue s'empressa de me narrer tout ce que j'avais pu manquer de croustillant durant mon rapatriement. Rapidement la conversation sembla indiquer qu'un jeune homme avait comblé le vide social que mon départ aurait dû laisser. Je lui demandai naturellement "Do you have a new boyfriend?". Elle me regarda interloquée et répondit "No, no , no. I mean... I don't know. Do you think he's my boyfriend?" ("Non, non, non, enfin… je ne sais pas. Tu crois que je peux l'appeler mon copain?") Etrange question à poser quand on est la principale intéressée. Pourtant cette question n'était pas du tout ironique : elle n'était pas capable de me dire quel était le statut de son galant. La conversation s'ensuivit ainsi:

- "Did you kiss him already? ai-je demandé.
- Sure.
- Then he's your boyfriend.
- No.
- Did you kiss on several occasions?
- Yes.
- Then he's your boyfriend.
- I don't think so...
- Did you sleep together?"
[Elle acquiesça.]
- "And you still see him?
- Of course.
- Then he's definitely your boyfriend.
- But we haven't had the Talk yet! I don't think I can call him my boyfriend. We are not exclusive yet."

Je la regardai avec des yeux de merlan frit.

Le Talk, comme je le découvris ce jour-là et le confirmai plus tard en cherchant des opinions masculines, est la discussion que vous avez avec cet être bâtard mi-soupirant mi-copain durant laquelle vous décidez d'accorder à l'autre l'exclusivité de vos charmes. Ainsi, ce n'est pas parce que vous avez mordu au fruit défendu ou que vous passez la plupart de votre temps libre avec lui qu'il est l'objet unique de votre choix, ni vous du sien. Vous avez tout à fait le droit de continuer de vous rendre au marché des passions et d'aller voir ailleurs en même temps.

En Europe la fidélité est le paramètre par défaut tandis qu'aux Etats-Unis, il faut définir sa relation et se mettre d'accord sur le moment où la fidélité devient de mise.

La question étrange de mon amie "Do you think he's my boyfriend?" montre bien à quel point la pauvre était perdue et qu'elle ne pouvait pas s'appuyer sur des rites amoureux classiques pour octroyer un statut officiel à sa relation. Etonnamment, lorsque finalement elle eut "The Talk" avec son sigisbée, elle trouva qu'il allait un peu vite puisqu'il lui offrit la préséance de ses faveurs au bout d'un mois seulement.

Cumuler les dates (que l'on ne peut pas vraiment traduire par rendez-vous amoureux puisque vous n'êtes pas censé être amoureux) n'est pas du tout le gage d'entretenir une relation avec quelqu'un. Toute cette partie qui précède the talk est ce que les américains appellent casual dating : vous vous voyez régulièrement avec tout ce que cela implique mais rien ne vous oblige l'un à l'autre et vous pouvez rompre cette liaison du jour au lendemain sans vous exposer à une hargne éternelle.

Après the Talk, vient le moment de la présentation officielle. Une fois le statut de petit(e)-ami(e) acquis, vous soumettez votre nouvelle moitié au jugement de tout votre entourage d'un coup. L'apothéose de votre relation se trouvera au cœur de ce moment où vous passerez du "I like you" à votre premier "I love you". Là encore choisir votre moment sera la clef de votre réussite conjugale.

Enfin, poindra éventuellement le temps où cinquante nuances de Grey seront passées sur votre amour et où le moment sera venu de vous vêtir de cuir et d'attraper votre cravache. Pour cela, San Francisco accueille annuellement la Folsom Street Fair, le grand évènement des adeptes du bondage et du sadomasochisme. Je vous préviens, c'est très cru : beaucoup de mes amis garçons ont mis un peu de temps à s'en remettre.
Malheureusement pour ma carrière de reporter, le cuir n'est pas encore un des centres d'intérêt primordiaux de R et il a ainsi détourné ma proposition de couvrir cette foire emblématique de San Francisco.
A la place nous avons visité Filoli, un des derniers grands estates de la baie de San Francisco. Après le grand incendie de 1906, beaucoup de personnages influents se réinstallèrent dans de vastes propriétés où ils firent construire de colossales maisons de maître. Peu subsistent encore aujourd'hui malheureusement.

Filoli (dont les syllabes proviennent de la devise du premier maître des lieux : "Fight for a just cause, love your fellow man, live a good life") est un domaine superbe dans les jardins duquel il fait bon flâner en ce début d'automne.

Le style de la bâtisse rappelle les demeures géorgiennes coloniales avec son imposante structure carrée et ses murs en briques appareillés à la façons flamande. En déambulant de la salle de bal au boudoir, on se transpose aisément en 1920, s'imaginant l'héritier oisif d'une famille ayant fait fortune dans les mines d'or, prenant tranquillement son déjeuner avec vue sur la pâture des chevaux et une corbeille de roses fraîches tandis que tout un monde domestique s'agite dans des cuisines immenses et achève la présentation du repas dans la salle d'argenterie sous le regard attentif d'un majordome.


Point de majordome en notre humble maisonnée toutefois. Nous avons bien adopté notre voisin dont l'appartement est en travaux et qui va rester chez nous plusieurs semaines mais il dort tout le temps (c'est le pédiatre à Stanford). Pour les tâches ménagères, au lieu de se répartir des besognes, nous avons mis en place un système de points. Effectuer des corvées permet d'augmenter son score ménager. Ce qui est formidable avec des garnements comme nous c'est que nous jouons pour jouer même si les points ne donnent lieu à aucune rétribution et pourtant nous sommes comme des petits fous à se battre pour ranger la vaisselle et faire la lessive maintenant. C'est un jeu sans fin...
En termes d'escapades, nous avons aussi été à Año Nuevo, le repaire des éléphants de mer - sauf que nous n'en avons vu aucun puisque le refuge était fermé donc nous avons seulement été à la plage.
Au musée de la Légion d'honneur nous avons vu une expo sur les montres Bréguet et une sur l'orfèvrerie des objets luxueux des Romains (notamment un trésor déterré en Normandie). Nous sommes également allés voir la comédie musicale du Lion King avec ses costumes d'animaux de la savane superbes.
Notre voisin nous a aussi fait faire du yoga ce matin. Exténués, nous l'avons laissé faire des poiriers (pardon, des Adho Mukha Vrksasana) tout seul au bout de 45min.
Allez, namasté!