Nouvelles #3 San Francisco, Japantown, Jacuzzi, Golden Gate Bridge, maisons victoriennes

le 15/02/2015

~ San Francisco ! Enfin la ville, des gens, la vie ! ~

Première escapade à SF jeudi soir lorsqu'A - un ami troyen arrivé en même temps que moi en Californie - nous a invités sur la terrasse panoramique de l'immeuble de son bureau pour profiter d'une vue spectaculaire sur les lumières de la ville depuis le jacuzzi.

Prise d'un doute quant à la possibilité - quoique alléchante - de limiter San Francisco à ses seules terrasses et bains bouillonnants, je suis revenue explorer ce territoire mythique plus en détails. Nous avons déambulé dans un quartier pas vraiment connu mais chargé d'histoire : Japantown. Ce fut l'occasion de revisiter les terribles évènements arrivés aux japonais américains durant la seconde guerre mondiale.
Après le bombardement de Pearl Harbor par le Japon en décembre 1941 qui fit 2 403 morts et déclencha l'entrée des Etats-Unis dans le conflit mondial, le Président Roosevelt signa un décret interdisant aux personnes d'origine japonaise résidant sur le sol américain (75% avaient la nationalité américaine) de rester dans les provinces à l'ouest des Etats-Unis. Cependant, comme un sentiment anti-japonais très fort s'était instauré, personne ne voulait rien leur louer ni leur donner de travail dans les autres états et ils restèrent ainsi dans l'ouest. A partir de 1942 et jusqu'à la fin de la guerre, les 110 000 japonais de l'ouest furent internés dans des camps. Ce n'étaient pas des camps de travail ni d'extermination mais tout de même des camps d'emprisonnement où les conditions de vie n'avaient rien d'enviable.

D'ailleurs certains américano-japonais ont combattu sous pavillon américain tandis que leurs familles étaient dans les camps. Ils donnaient leurs bras et leurs vies sur le front européen évidemment tandis que les militaires américains d'origine allemande étaient eux envoyés sur le front pacifique (ex: le grand-père de R).
Lors de cet emprisonnement, ce sont des américains d'origine africaine (ici le mot "noirs" est complètement tabou) appelés pour travailler dans les chantiers navals qui se sont installés dans le quartier et les cabarets de jazz ont fleuri au point que l'on parlait de l'Harlem de l'ouest. Ayant connu l'exclusion, ils furent plutôt solidaires avec les nippons et, avec des prêtres, mirent à l'abri les biens des japonais chez eux ou dans les églises. Il faut tout de même reconnaître que tout ne put être stocké et que beaucoup de japonais de retour des camps se retrouvèrent démunis.
Le quartier de Japantown représente un grand mélange de cultures et un bâtiment l'illustre très bien. A l'origine il s'agissait d'une synagogue qui fut transformée en temple bouddhiste avant de devenir une église baptiste afro-américaine durant l'emprisonnement des japonais. Après 1945, le temple bouddhiste revint s'y installer. Il devint un haut lieu de la culture zen. Ce courant fut très populaire chez les juifs et ainsi le lieu se repeupla de sa communauté d'origine ! A présent il s'agit d'une maison pour personnes âgées.
Pour comprendre la ville, il faut savoir que San Francisco fut ébranlée par un terrible tremblement de terre en 1906 (7,8 sur l'échelle de Richter) qui s'ensuivit d'un feu qui dura trois jours et détruisit 80% des habitations. Une grande partie de la ville est donc post-1906. Et la mode à ce moment-là était aux maisons victoriennes. Beaucoup de celles dans l'ouest ont survécu, d'autres furent reconstruites et de nouveaux styles apaprurent lorsqu'il n'y avait plus rien à sauver (ex: le financial district). Toutefois, après la guerre un grand élan de renouvellement urbain frappa les Etats-Unis et poussa les autorités à raser des blocs entiers d'immeubles - et 2 500 maisons victoriennes ayant survécu à l'incendie de 1906 disparurent dans les quartiers pauvres comme Japantown où coexistaient japonais et noirs (certaines furent sauvées et transportées dans d'autres blocs). Tous les clubs de jazz furent rasés et des bâtiments modernes japonisants sortirent de terre.


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Et en 1937, qui a ouvert son tablier et déployé haut ses pylônes ? Le fameux pont du Golden Gate !
Célèbre entre tous les ponts suspendus, il ferme le détroit en reliant les péninsules nord et sud de la baie de San Francisco. Golden Gate Bridge ? Wait a minute... Il est rouge ton pont doré ! me direz-vous. C'est parce que c'est ce qu'il garde qui est doré. C'est la porte qui mène aux filons d'or. Souvenez-vous, la conquête de l'ouest, la ruée vers l'or ! C'est dans les années 1848 que la ville s'est développée avec la fièvre sonnante et trébuchante. La devise de la ville n'est-elle pas "Oro en Paz, Fierro en Guerra" (Or en paix, fer en guerre) ?
R et moi avons admiré un superbe couché de soleil depuis la plage côté océan avec le pont se profilant au loin.
Estimant toutefois que nous avions dépassé notre quota de miel en ce jour de la Saint Valentin, nous sommes allés nous empiffrer chez Burger Urge - un restaurant de burgers comme son nom l'indique si bien - dans le quartier de Haight-Ashbury. L'occasion de constater que l'âme hippie de la ville est encore bien présente : plein de petits caucasiens avec des cheveux sales et longs, des dreadlocks, de longues jupes, des guenilles, des piercings et qui font du cerceau. On trouve aussi des punks dans ce quartier et quelques afro-américains avec des t-shirts de basketball, des casquettes et des boucles d'oreilles. Mon impression générale d'SF est que cohabitent deux populations : les hippies (les vêtements amples et les cheveux emmêlés) et les hipsters (la barbe, le bonnet - ce n'est pas un cliché ils ont tous un bonnet, les vêtements sombres, la veste, et parfois les Dr Martins).
San Francisco, bien évidemment est aussi connue pour ses montagnes russes : la ville est toute en pentes plus abruptes les unes que les autres (le maximum est une pente à 35% - en France on nous dit de se servir du frein moteur à partir de 5% je crois). Chaque intersection (après chaque bloc d'immeubles) étant marquée d'un stop ou d'un feu rouge que l'on soit en montée ou en descente, je ne saurais vous conférer le soulagement qu'il y a à conduire une voiture automatique : elle fait le démarrage en côte à votre place ! Sinon, si je ne mourais pas avant, je serais devenue la pro du démarrage en côte au bout de trois jours de conduite à SF. C'est vraiment impressionnant.

Puisque, oui, depuis que l'horloge de la vie m'a frappée de mes 25 ans je peux conduire aussi (avant j'aurais dû payer une assurance un peu agressive de jeune conductrice) ! C'est assez différent de chez nous mais leur modèle se défend. Bien qu'il y ait énormément d'embouteillages ici aussi, certains choix dans la configuration de leurs routes sont intéressants. Leurs chaussées sont effectivement plus larges et l'on se sent plutôt à l'aise dans les limites de vitesse ce qui fait que les californiens sont systématiquement entre 10 et 20 mph (15-30 kmh - voir ci-dessous) au-dessus de la limitation. C'est assez fou et il n'y a pas de radars donc TOUS roulent au-dessus des limites. Pour ma part je roule exactement à la limitation et c'est un véritable défi car il faut être en vigilance constante pour ne pas être tentée de se caler sur la voiture de devant. Chacun ses batailles.
Pour contrer les embouteillages, sur les autoroutes, il y a des carpool lanes ! C'est à dire des files réservées aux voitures dans lesquelles il y a deux occupants ou plus ou alors qui sont électriques (les Tesla). Il y a beaucoup moins de trafic et ces files avancent bien mieux (voir vidéo). C'est hyper pratique puisque R et moi partageons la voiture.

Je devrais d'ailleurs aller passer le permis de conduire américain étant donné que dans tous les restaurants, bars ou supermarchés il est de mise. Je me fais refuser mes papiers d'identité français : leur permis est la pièce d'identité de référence pour servir ou pas de l'alcool aux plus de 21 ans et ils ne plaisantent vraiment pas avec ça.

On me demande également souvent si le choc culturel n'est pas trop grand. Il y a certes des choses qui me semblent originales mais je ne parlerais pas de chocs : c'est différent mais je suis armée pour y faire face. Le fait de vivre en banlieue est par exemple complètement contraire à mes modes de vie parisien ou quercynois, cependant ce n'est pas vraiment propre aux Etats-Unis. Si je prends pour définition du choc culturel une situation pour laquelle aucune de mes expériences passées ne me permet de faire face, j'ai un exemple en tête qui vous paraîtra anodin mais qui m'a complètement prise au dépourvue.

J'aime bien me faire des fondants au chocolat : c'est une recette facile qui ne nécessite que des œufs, du beurre, du sucre et du chocolat. On mélange tout et on enfourne 10min. Facile. Oui, mais impossible de trouver du chocolat ! Je me suis retrouvée interdite devant le rayon des tablettes d'or brun. Je ne comprenais pas ce que je voyais. L'étalage n'avait aucun rapport avec ce que l'on voit en Europe ni même au Brésil ou en Chine. Ce n'est pas seulement que les marques sont différentes. C'est que le contenu est différent, la présentation est différente et clairement aucun des articles présentés ne pouvait convenir à un usage culinaire. Bon, me dis-je, je vais vendre mon âme au diable et commander sur Amazon. J'ai perdu au moins une année de ma vie en stress à parcourir pendant une heure ce site qui ne répertorie aucun chocolat de cuisson qui puisse ressembler vaguement à quelque Lindt, Menier ou Nestlé. Je remettais sérieusement en cause mes capacités intellectuelles pour ne pas réussir à trouver un tel objet complètement trivial jusqu'à ce que G me libère de ma souffrance mentale en m'expliquant qu'elle avait été confrontée au problème et que la seule solution était de prendre du cacao amer en poudre. Cela semble ridicule mais acheter une tablette de chocolat représentait pour moi un acte tellement quotidien que ne pas comprendre comment le reproduire m'a beaucoup perturbée.

Comme je ne peux pas manger de chocolat, je mange des bettes et des radis. Pour rassurer les ancêtres, sachez que nous nous faisons d'ailleurs livrer une fois par semaine un panier de légumes censés être cultivés dans la région (si ce n'est pas un mensonge marketing).
Le système de mesure

Brrr, même à 68 degrés Fahrenheit dans l'appartement, la température ressentie n'est pas si bonne, j'irais bien faire les 1.2 miles pour atteindre le Safeway et m'acheter une bouillotte. J'en profiterais pour m'acheter 4 oz de sucre et 1 cup de farine. Bon, avec mes 5 feet 4 inches pas sûr que j'atteigne l'étagère. A 20 yards de là, je pourrais d'ailleurs en profiter pour prendre du gas - à 2,8 dollars le gallon ça vaut la peine. Et puis le retour sera tranquille, c'est limité à 25 mph. Wait, what ?

Oui, c'est un peu farfelu le système de mesure ici ! Quelques repères :

La température
Pour passer de Fahrenheit en Celsius : retranchez 32 et multipliez par 5/9 (ce n'est pas une blague).
0 C = 32 F
10 C = 50 F
20 C = 68 F
37 C = 100 F
100 C = 212 F

Les distances
1 km = 0,632 miles
1 m = 1,1 yard = 3,3 feet = 39,4 inches
1 mile = 1 760 yards
1 yard = 3 feet
1 feet = 12 inches
1 inch = 2,54 cm

Les vitesses
mph = miles per hour
Pour la Californie voici les limites de vitesse :
25-35 mph = 40-56 km/h (quartiers résidentiels)
40 mph = 64 km/h (limite sur les routes)
55 mph = 89 km/h (autoroutes urbaines)
65-70 mph = 105-113 km/h (autoroutes de campagne)
Ajouter à cela les 10/15 mph officieux de mise partout (sauf qd c'est 25mph).

Les unités de cuisine :
1 ounce (ou oz) = 28 g
donc 200 g = 7 oz
1 cup = 240ml d'eau = entre 3 et 8 oz dépendant de la matière que l'on mesure.
1 lb = 0,4 kg
Ce sont les principaux parce que ça se décompose encore en teaspoon, tablespoon, pint etc.

La monnaie
1 € = $ 1,14 (l'euro a beaucoup baissé, en février l'an dernier il valait $ 1,37)
Donc 10 € = $ 11,4 et 50 € = $ 57 en ce moment

L'essence
1 gallon = 3,8 L
A $ 2.8/gallon, ça fait donc 0,65€/L ! (Ca a remonté, il y a un mois c'était 0,58€/L !)

La forte baisse des prix à la pompe vient d'une augmentation de l'offre plus rapide qu'anticipée grâce surtout à l'exploitation des gaz et pétrole de schiste sur le sol américain et d'une production à pleine capacité des pays du golfe qui n'arrivent pas à s'entendre pour ralentir la production. Vient également s'ajouter une réduction de la demande puisque les activités industrielles sont en ralentissement partout et notamment en Chine.
Cependant, les cours ont tellement chuté que les géants de l'énergie arrêtent d'exploiter leurs plateformes car elles ne sont plus rentables : les puits se tarissent beaucoup plus vite que pour le pétrole classique et ainsi il faut faire en permanence de nouveaux forages ce qui empêche le coût de revient de baisser significativement. Le nombre de puits forés aurait reculé de 15% sur les deux derniers mois et BHP a annoncé arrêter l'exploitation de 40% de ses plateformes aux Etats-Unis pour faire face à la chute des prix.



C'est tout pour aujourd'hui ! Digérez bien toutes ces infos, en attendant notre prochain skype - maintenant que nous avons réussi à organiser un premier skype Tokyo (minuit) - Paris (16h) - Mexico (9h) - Menlo Park (7h), on pourra s'en refaire à la folie.

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