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Nouvelles #4 SF, Financial district, Carmel, Russian Ridge

le 22/02/2015












Chers tous,

Profitant de la fermeture de mon bureau durant toute la semaine (mon entreprise déménage), et me refusant de céder à la tentation trop violente pour ma dignité de rester vautrée toute la journée sur la moquette, engloutissant des cookies et maculant mon clavier de chocolat en surfant facebook au lieu de travailler (c'est le Work From Home), j'ai décidé d'aller toute la semaine au bureau de San Francisco.

Mon désir d'être san-franciscaine par procuration - en allant au moins y trimer à défaut d'y dormir - étant à toute épreuve, j'ai immolé courageusement des heures de ma vie au dieu Commute pour le plaisir de me sentir citadine durant quelques intenses moments de bonheur.


Au coucher du soleil, ma gare - la plus vieille station de train de Californie - et le Caltrain

Vues du train : une banlieue résidentielle pas très jolie et une des fresques murales de SF (qui en est couverte)
C'est ainsi que j'ai renoncé au soleil tant qu'au sommeil et qu'après 15min de voiture et 30-45min de Caltrain je marchais à travers Mission Bay, Soma puis me frayais un chemin dans le Financial district.

Le bureau de SF est peuplé de garçons, la déco s'en ressent. A droite une affiche dans l'entreprise de R
Nos locaux de San Francisco, parfaitement situés à quelques yards de la tour pyramidale de la Transamerica (plus haute tour d'SF) n'est pas bien grand mais suffit largement à ceux qui le peuplent. Ils sont en général une petite dizaine de garçons et le VP Marketing n'en finissait plus de s'ébahir sur l'affluence cette semaine compte tenu des quelques petits employés déboussolés s'étant rabattus sur le bureau d'SF au lieu de travailler de chez eux. Au pic de présence nous avons dû être treize.

Cette semaine j'ai été assignée à mon premier client et ai pu mener mes premières réunions. Mon élocution est un peu freinée par le fait que je découvre ce dont je parle en même temps que mon auditoire mais une personne un peu plus expérimentée de mon équipe assiste à mes présentations et m'a sauvé la vie les deux ou trois fois où l'on m'a posé une question dont je ne comprenais même pas les mots et avec des concepts dont je ne soupçonnais pas davantage l'existence. Tout s'est pour l'instant bien passé et je ne peux que vous laisser ronger votre frein en attendant les petites anecdotes humiliantes.

Prendre des photos sur le chemin du travail était assez difficile car il y a plein de voitures, de passants et les bâtiments sont trop hauts pour réussir à saisir avec mon téléphone l'entièreté d'un immeuble. J'essaierai de faire mieux une autre fois
Le financial district est constitué exclusivement de gratte-ciel et ressemble à l'image que je me fais de la nouvelle York (et qui devrait être confirmée en mars-avril lorsque j'irai visiter H). Il y a quelque chose d'aérien à parcourir ces avenues qui s'élancent infiniment vers les hauteurs. Sans avoir rien d'étouffant, on pourrait avoir l'impression d'être dans un labyrinthe géant dont les haies sont si hautes que l'on ne peut deviner l'étendue qu'il reste encore à parcourir avant d'en sortir. Chaque bâtiment est en compétition avec son voisin. Je ne comprends pas du tout pourquoi les américains s'émerveillent sur l'Europe. Orvieto, Florence, le Parthénon et toute la clique des vieux débris européens font bien pâle figure à côté des porches rutilants des immeubles du quartier. D'autant plus que l'on a tous les styles à portée de main. Rien que dans ma Montgomery Street (c'est la plus importante) : art déco, gothique, renaissance, neo-classique... Il y a même des blasons avec des griffons sur l’édifice où les gens achètent leur café ! Les façades les plus remarquables sont celles qui allient l'architecture imposante avec références européennes à la taille : il faut donc se démettre la nuque pour apercevoir dans les nuées les créneaux de château-fort ou les coupoles de palais est-européens.

A gauche, entre les deux immeubles, on peut déjeuner avec la vue sur la mer

Concert gratuit de Dvorak dans une église un midi
Lorsque le soleil pointe son nez (SF pâtit d'un microclimat plutôt frisquet comparé à la Silicon Valley) mes collègues prennent leurs écuelles pour aller déjeuner sur la terrasse ensoleillée d'un gratte-ciel voisin duquel on peut apercevoir, entre deux immeubles, l'océan (enfin, l'océan dans la baie). Lorsqu'il fait un temps à mourir transi par le froid et que je fais un tour à deux blocs du bureau dans Chinatown, il arrive qu'il y ait un concert gratuit dans une église catholique coincée entre deux buildings. Mardi, à mon grand plaisir, c'était Dvorak !

Trois semaines de dur labeur n'ont pas amoindri mes désirs de chaleur et d'eaux bouillonnantes. C'est donc avec un régal renouvelé que nous sommes retournés faire des grillades et du jacuzzi sur la terrasse du bureau d'A, montant en compétence semaine après semaine puisque c'est un gros pavé de bœuf mariné que nous avons fait rôtir cette fois en lieu et place des simples burgers du jeudi précédent.

En termes de vie sociale, j'ai aussi pris un verre avec A dans un bar sympa de Soma qui avait des vélos accrochés à son plafond. Je suis allée hier soir à une soirée organisée par un couple d'amis de la famille de R. Une fois par mois ils tiennent salon en invitant tout un tas de gens divers et variés. Lui est un des cofondateurs de Symantec (l'entreprise qui a fait Norton antivirus, qui a un énorme campus à Mountain View avec beaucoup de palmiers et où je suis allée déjeuner avec R). Il a commencé ses aventures entrepreneuriales en écrivant un correcteur orthographique pour micro-ordinateurs : il envoyait les disquettes avec le programme par la poste aux gens intéressés puis recevait un chèque dans sa boîte aux lettres. C'était très exotique de discuter avec quelqu'un qui a surfé sur la vague du développement de l'informatique grand public dans les années 70-80 ! Après cette soirée nous avons fini avec cinq américains de la soirée au Rosewood, un bar d'hôtel apparemment très connu pour sa faune nocturne : des capital-risqueurs et des cougars.

Nous avons aussi dîné plusieurs fois à Palo Alto et j'ai été éberluée par l'essaim de gens de sortie dans l'unique rue animée de la ville (mais quelle animation ! les restaurants débordaient de tous les côtés). Au hasard de cette rue - et c'est vrai des bars à SF aussi - quelque chose vous frappera : le niveau sonore ! On s'habitue mais le bruit des conversations (même pas de la musique) n'est pas le moins du monde absorbé par les murs et l'on hésite à entrer tellement l'on se représente sa tête comme une pastèque sur le point d'exploser. R et moi avons également été invités à dîner chez un couple de juifs new-yorkais retraités de notre résidence avec un couple d'amis médecins à eux et un autre jeune sympa de notre âge pédiatre à l'hôpital de Stanford. La dame adore R et les hugs à l'américaine (je ne m'y fais pas). Elle a d'ailleurs convaincu R et le médecin d'être au board (~conseil syndical) de la résidence et glissait sans arrêt des sous-entendus comme quoi ils ne savaient pas le piège dans lequel ils étaient tombés (et je pensais secrètement : "Non, vous n'avez aucune idée du piège dans lequel vous êtes tombée en pensant que R était un petit garçon docile et manipulable").

Mission San Carlos Borromeo à Carmel - la seconde mission établie en Californie

Le weekend dernier avait lieu le President's day qui rime pour certains avec soldes et pour nous avec Carmel. Nous avons ainsi mis le cap au sud et sommes descendus le long du littoral, avons longé la péninsule de Monterrey ($10 pour prendre la route du bord de mer) et nous sommes arrêtés à Carmel. La côte côté mer ressemblait par endroits à la côte bretonne, un peu sauvageonne avec son granit, ses mouettes et son goémon. La côte côté habitations en revanche était un golfe avec ses greens parfaitement tondus et ses vrais/faux reliefs. De grandes villas fermaient la vue. Elles n'étaient pas laides mais - c'est endémique ici - n'avaient pas la moindre cohérence stylistique. Au lieu de charmantes petites baraques aux toits d'ardoises et aux volets de bois fouettés par les vents, de vastes demeures ayant l'air d'avoir reçu les soins des meilleurs architectes s'alignaient dans la plus pure hétérogénéité états-unienne.

Carmel présente toutefois le grand intérêt politique d'avoir eu pour maire Clint Eastwood ainsi qu'une loi depuis 1920 interdisant de porter des talons. R et moi en avons saisi toute la sagesse lorsqu'en rentrant du dîner dans les ténèbres les plus totales nous avons chacun coup sur coup tordu nos chevilles sur les irrégularités de la route. Car, oui, il n'y a quasiment pas d'éclairage public dans la Silicon Valley ni dans les villes du littoral. C'est très impressionnant, les seules lueurs proviennent des habitations mais il n'y aucun réverbère et dans les rares cas où l'on peut en trouver, la lumière qu'ils diffusent est minimale. C'est assez glauque du coup mais les gens ne semblent pas s'en alarmer. Ne marchant jamais, toujours en voiture, ils ne doivent pas le remarquer. J'ai tout de même croisé quelques fois des personnes avec des frontales voire avec des lanternes marcher sur les trottoirs le soir.
Nous sommes également allés courir deux fois déjà sur les chemins qui serpentent dans les collines au sud de la Silicon Valley et avons profité à nouveau de couchers de soleil sur le Pacifique au loin.
Ce weekend cependant, un intense brouillard s'est levé et a happé progressivement les collines derrière nous au fur et à mesure de notre course, c'était vraiment étonnant à suivre. Pour le retour, nous avons dû nous jeter dans un sentier qui disparaissait complètement dans la brume, posant prudemment nos pieds pour ne pas dévaler les pentes escarpées mais allant suffisamment vite pour semer le Groke.

Je ne passe malheureusement pas mon temps entre la plage et les collines. Il m'arrive parfois de prendre mon courage à deux mains et de descendre au Safeway pour braver mes angoisses existentielles manifestées par la terreur de mourir de faim puisque je ne trouve pas de chocolat à cuire. Lorsque je suis remise de ces crises, je tends l'autre joue et je retourne au Safeway pour continuer à mettre du piment dans ma vie. Aujourd'hui, j'ai essayé d'acheter du lait ! Quelle candeur ! R et moi avons passé un quart d'heure dans le rayon. Il n'y avait pas moins de sept armoires réfrigérées dédiées au lait. Etant arrivés à la conclusion que nous ne pouvions pas boire un gallon (3,8L) ni même un demi-gallon de lait en une semaine, il nous fallait exclure 90% du rayonnage. Les rebuts de ce choix par élimination étaient assez déroutants. Premièrement, il ne devait en tout n'y en avoir qu'un seul dont l'étiquetage disait simplement Milk mais nous nous sommes aperçus qu'il y avait aussi marqué dessus lactose free (=sans lactose). Du lait sans lait, somme toute. Tous les autres écrivaient en gros organic (=bio) mais décrivaient tous comment ils ajoutaient plein de vitamines et autres additifs. L'autre grand argument de vente était le fat-free (=sans matières grasses) sauf qu'en comparant les teneurs nutritionnelles nous avons constaté que ces laits fat-free étaient plus gras et plus sucrés que les laits half & half (l'autre grande mode : moitié lait, moitié crème - rien à voir avec du demi-écrémé). Bref, éreintée et pleurant la bouteille Lactel toute simple d'1/2L ou d'1L, j'ai fini par prendre un lait dont nous ne savons pas vraiment si c'est bien du lait. C'est trop compliqué la vie.

Comme d'ordinaire je n'ai pas abordé la moitié des sujets que j'avais prévu de traiter mais ce n'est que partie remise. Félicitations aux courageux lecteurs ayant gravi les paragraphes et survécu les longueurs.

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