Curiosix La France n'est pas une nostalgie, elle est une espérance

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Nouvelles #5 Un mois !

le 28/02/2015



Chers tous,

Ca y est, mon entreprise a déménagé dans un plus vaste bureau et j'ai dû abandonner dans les cris et les larmes ma vie usurpée sanfranciscaine. Ne pouvant demeurer loin d'elle plus longtemps, m'y revoilà à nouveau en ce samedi.

Je vous écris d'ailleurs attablée chez un torréfacteur dont les horreurs caféinées jonchent les trottoirs du bout du monde mais qui saura trouver grâce à vos yeux pour le wifi qu'il apporte gratuitement aux plus en mal de connectivité d'entre nous - Starbucks. J'ai laissé R m'abandonner dans San Francisco cet après-midi tandis qu'il partait avec un ami d'enfance faire du tir. Si je n'ai rien contre une discipline olympique requérant précision et concentration tout en permettant d'évacuer les tensions, je dois admettre que les rêves de mon amant marin de s'acheter tout un arsenal de guerre me dérangent un peu. J'invite donc les lecteurs se sentant un minimum responsables de n'avoir pas bridé les idéaux guerriers de leurs enfants en les laissant jouer à World of Warcraft de parler maintenant ou de contempler à jamais en silence leur petit prendre à la culture américaine ce qu'elle a de meilleur. Toute autre personne souhaitant exprimer son avis sur le caractère primitif de la possession de révolvers peut participer à la campagne "La maison, c'est pas le Texas" en spammant la boîte mel de R (à vos risques et périls : s'il s'achète vraiment un gun vous risquez d'être les premiers sur la liste).

Il me faut toutefois vous confesser que j'ai laissé mon petit agneau innocent seul à la maison cette semaine puisque je me suis échappée en vadrouille au parc national des Pinnacles. En reconnaissance de ma contribution hors pair depuis mon arrivée, notre manager a organisé une retraite d'équipe (à moins que ce ne fût pour le travail accompli par le groupe en 2014... bref).


La maison au milieu des vignes

Retraite d'équipe au parc national des Pinnacles

L'équipe
Nous fîmes ainsi route vers le sud à deux heures de la vallée du silicium pour échouer dans une énorme villa perdue dans un vignoble. A peine arrivés nous réalisâmes qu'il n'y avait ni réseau ni wifi : impossible de travailler donc mais surtout... impossible d'appeler au secours ! Nous étions là, dix petits nègres à huis clos, seuls face aux vignes et sans autre exutoire qu'un jacuzzi et un billard. Le sport semblant être au programme de ce weekend, nous nous entrainâmes dans une chouette randonnée au milieu d'un paysage minéral comme je n'en avais jamais observé. Nous avons également expérimenté barbecue, dégustation de vin et passage au Starbucks pour le wifi.



Il fallut bien revenir de cette parenthèse naturelle et sportive et redonner sa primeur au quotidien. Les ennuis ont d'ailleurs commencé : mon premier client rien qu'à moi a décidé d'être moins arrangeant que prévu puisqu'au lieu de suivre un gentil processus tranquillement standard, il demande à ce que nous personnalisions d'entrée de jeu son utilisation de la plateforme. Je travaille aussi pour une myriade de micro-projets pour différentes implémentations et cela me perd complètement car je reçois des dizaines d'informations et de marches à suivre sur le tas sans que cela ne s'emboîte très clairement dans mon esprit. Il n'y a pas de processus de formation défini dans notre équipe et mon apprentissage se fait comme un texte à trous qui se remplit en fonction des besoins. Ayant une vision assez lacunaire des différents mécanismes et ne voyant pas toujours le fil conducteur, je ne sais pas ce que je ne sais pas. En outre, personne ne connait non plus ce que les autres m'ont déjà montré. Une nouvelle collaboratrice israélienne a d'ailleurs commencé cette semaine (je ne suis plus la nouvelle de l'équipe !) et une collègue m'a demandé de lui présenter la structure de nos bases de données. Elle m'avait déjà montré ça au milieu d'un immense bombardement d'informations lors de mon premier jour et, malgré mes notes, je lui ai dit que je n'étais pas capable de réexpliquer clairement. C'est un peu frustrant car je n'arrive pas à lui faire comprendre que ses explications ne sont pas suffisantes, ni que comprendre une chose ne signifie pas qu'elle soit assimilée. D'après un autre collègue, la formation est un souci récurrent de l'équipe.

Les Painted Ladies d'Alamo Square avec les tours du Financial District à l'arrière-plan
La fin de semaine fut ainsi quelque peu stressante et je me suis permis une relaxante déambulation à Alamo Square pour admirer les Painted Ladies. Il s'agit de la tour Eiffel de San Francisco : c'est la succession des sept maisons peintes que l'on voit dans tous les films qui y sont tournés. Un endroit idéal pour photographier la ville : les Painted Ladies, les collines, les parcs et les gratte-ciel du Financial District. Comme toujours toutefois, il faut compter sur les voitures et les passants qui m'empêchent d'avoir une photo nue.

A défaut d'une certaine maison bleue, laissez-moi vous présenter une kyrielle de demeures victoriennes. Tout d'abord, sachez qu'il existe trois styles majeurs de Painted Ladies (lisez bien, il y a un jeu concours à la fin).

  • L'italianate (1870) et notamment le slanted bay italianate (avec du relief en façade) avec ses bay windows à cinq côtés (trois fenêtres + les bords suffisamment saillants pour être perçus comme des côtés). Le toit est plat et le frontispice le dépasse pour donner un air plus imposant en jouant sur l'illusion de hauteur.

  • Le stick Eastlake ou Victorian Stick (1880) qui se caractérise par ses bay windows rectangulaires et ses mansardes.
    Les frères Hinkle se mirent à produire ces maisons en masse. La classe moyenne-supérieure les achetait $4 000 (cela vaut plus d'un million aujourd'hui) et les faisait transporter où elle souhaitait s'installer. La marque de fabrique de ces frères architectes est la croix de bois en haut de la fenêtre du premier étage. Cette pièce située juste en face de l'escalier était d'ailleurs appelée la resting room ou fainting room car les femmes corsetées étaient souvent prises de malaises après avoir monté les marches et s'y évanouissaient.


  • Le Queen Anne (1890, il s'agit en fait d'une remise au goût du jour de ce qui se faisait au début du XVIIIème sous le règne de la monarque britannique Anne Stuart) qui est plus excentrique, ajoute des tourelles, des bay rondes et qui n'a pas de toit plat.

Toutes les maisons victoriennes sont en redwood (séquoia). Primo parce que c'est la spécialité du coin (il y en a partout) et ensuite parce que ce bois résiste à l'humidité et aux termites, ce qui en faisait un bois idéal - à l'exception de l'incendie de 1906 où il s'est démontré un tantinet inflammable.


[A destinations des grands enfants parmi vous]
Attribue à chaque habitation son style :


















A la clef : une carte postale !


Sachez que nous célébrons en ce jour l'achèvement du premier mois écoulé depuis que le sol américain a été délicatement foulé par mes ballerines pour la première fois. Pour l'occasion, vous trouverez ci-dessous quelques remarques que je me suis faites et sur lesquelles certains s'interrogent. Je partage aussi avec vous cette décoction parisienne contre le mal des transports - un remède découvert par une autre petite exilée qui a survécu à ses premières semaines de dépaysement newyorkais. Félicitations nous-mêmes.

La cherté de la vie
"Les Etats-Unis ce n'est pas cher", "Je vais faire mon shopping aux Etats-Unis, les vêtements ne coûtent rien là-bas" : oubliez tout de suite les phrases de cet acabit. En tout cas, elles ne s'appliquent pas au coin où j'habite.
Si je reconnais que l'essence ne vaut pas grand chose, ça ne me semble pas vrai du reste. Certes mon quartier est sûrement un peu aisé mais $2,5 (2,2€) c'est un peu dur à avaler pour UN SEUL oignon. Je ne me méfiais pas car les prix des légumes me semblaient corrects et pourtant ma facture grimpait à des records inégalés. Je me suis alors rendu compte que les prix n'étaient pas au kilo mais à la livre (=un demi-kilo) !
Pour ce qui est du restaurant, c'est un peu plus cher qu'en France mais le piège est qu'il faut ajouter à la facture le tip (pourboire) et que celui-ci se chiffre entre 15 et 20% de l'addition.
Je n'ai pas regardé les vêtements pour les femmes (sauf chez Abercrombie et ça se valait) mais pour les hommes en tout cas ce sont les mêmes montants qu'en Europe.
Pour le téléphone, comptez $60/mois HT pour un abonnement appels illimités dans le pays, textos illimités international et 1Go d'internet (vs. textos + appels + internet illimités à 19€ en Fr). J'admets cependant qu'il y a la 4G partout.
Il faut également savoir que les prix indiqués sont toujours hors taxe et que vos factures quelles qu'elles soient valent toujours 9% de plus qu'affiché.
Heureusement que c'est R qui paie.

Reste l'immobilier : San Francisco conforte chaque année un peu plus sa place de ville la plus chère des Etats-Unis en terme de location (+14% d'augmentation des loyers en 2014). Le prix moyen pour un appartement avec une chambre est de $3,410/mois contre $3,000 à New York. Ces prix s'appliquent à la Silicon Valley également. Ils s''expliquent par le fait que les créateurs d'entreprise, les investisseurs ou simplement les employés très bien payés ou qui ont vendu les actions qu'ils détenaient dans leurs entreprises ont beaucoup de liquidités à leur disposition et qu'ils cherchent à l'investir. Ils achètent donc en partie de l'immobilier pas loin d'eux à San Francisco et réévaluent les baux, ce qui soutient la croissance effrénée des loyers et des prix des maisons. L'autre grand effet néfaste est l'expropriation des habitants originels de San Francisco puisqu'ils n'ont plus les moyens de se loger. Le coefficient Gini qui mesure le partage des richesses dans une population place SF au même rang que le Rwanda (et ce n'est pas très bon). 15% de la population de la ville était considérée comme vivant dans la pauvreté en 2012.

Les services
En moyenne il n'y a pas une grande différence de qualité avec la France, c'est plutôt au niveau des extrêmes que l'ont peut comparer ainsi que dans la manière. Il y a moins de personnels qui se fichent royalement de nous (mais il y en a) et l'on peut tomber plus souvent sur des personnes étant sincèrement agréables (notre banquière qui est arrivée de Syrie il y a un an est absolument adorable par exemple).
Ils sont tous extrêmement zélés. Au restaurant, sans arrêt quelqu'un vient remplir votre verre d'eau sitôt que vous avez bu une gorgée, et les serveurs vous maternent de façon assez lourde mais comme tout part d'un bon sentiment il est difficile de se plaindre. L'autre soir, pas moins de cinq serveurs sont venus se présenter pour nous dire qu'ils allaient prendre soin de nous pour ce repas (nous n'en revîmes que deux durant la soirée). Il est aussi très bizarre d'avoir des inconnus vous appelant par votre prénom pour rendre la relation client plus personnelle sans jamais se dire qu'il est intrusif de vous demander votre nom avant même de savoir pourquoi vous êtes là. En arrivant, les employés vous sautent souvent dessus avec un "Good afternoon guys, how are you doing?" des plus creux, ce qui a le chic de m'exaspérer profondément.


Skype
Nous avons déjà par trois fois organisé des skypes à trois ou quatre pays et le concept fonctionne parfaitement ! Ce matin, nous avons même organisé une soirée pyjama entre copines (1h du mat à Tokyo, 8h du mat en Californie et... ne donnons pas l'heure en France pour sauver l'honneur de P. d'être au lit à une heure pareille). Je vous attends donc en ligne !

N'oubliez pas votre contribution à la campagne anti-NRA et n'hésitez pas à participer au concours !

Bises,

N