Curiosix La France n'est pas une nostalgie, elle est une espérance

Sommaire

Nouvelles #7 Où la vérité est rétablie

le 18/3/2015

Combien de fois n'avons-nous pas entendu des inepties enjoignant les français à prendre exemple sur San Francisco ? Il me faut aujourd'hui rétablir une vérité dérangeante pour ces oiseaux de mauvais augure. Les premiers entrepreneurs de San Francisco étaient... français !
San Francisco, ville dont le nom lui-même glorifie en son radical ses nobles origines, ville dont le surnom de "Paris of the West" témoigne des liens étroits tissés avec son alma mater.
Nous sommes en 1848, de l'or a été découvert et ce sont les baleiniers qui faisaient escale dans la baie pour réparer leurs bateaux et faire leurs réserves en eau qui vont passer le message de port en port, du Chili à Hawaï puis au-delà.
En France, Louis-Philippe abdique et Louis-Napoléon Bonaparte devient le premier Président de la République française. Il est temps pour les membres de l'amicale des Bourbon de prendre un congé mérité et de s'exiler un peu... quelque part où il y aurait des rumeurs d'or ?
Les français qui viennent accoster sur la péninsule découvrent avec stupeur qu'hormis un pauvre hôtel et deux ou trois bicoques il n'y a rien. Dans l'acmé de leur torpeur on les informe que le premier filon est à plusieurs dizaines de kilomètres de là. Cependant, c'est au fond du trou que notre génie national s'exprime le mieux. Nos messieurs voyant une meilleure opportunité regardent donc partir, la pioche sur l'épaule, les allemands et les italiens et commencent à ouvrir des commerces à San Francisco. Les affaires fleurissent et l'or afflue.
Le français qui eut le plus grand impact sur San Francisco fut sûrement François Pioche justement. Il rentra en France pour lever des fonds en 1851 et revint avec plusieurs dizaines de millions de dollars. Il fonda une banque, Pioche & Bayerque (un autre compatriote), et investit dans l'immobilier dans toute la Californie. Il fonda le premier chemin de fer de San Francisco (qui démarra tiré par des chevaux - mais sur des rails), créa un embarcadère, une compagnie de gaz et d'électricité (aujourd'hui PG&E qui fournit la plupart de la Californie), une société des eaux (racheté plus tard par la municipalité) et plein d'autres entreprises encore avec l'argent de venture capitalists français. Bonne Pioche !

En 1848, San Francisco comptait moins de 500 habitants et vit sa population s'accroître en un ou deux ans à 20 000 jeunes gens de 18/20 ans de toutes les nationalités. Il fallut bien faire consommer leur or à ces petits.
Les restaurants quasiment exclusivement français se mirent à pulluler, par exemple le "Poulet d'Or" - qui devint le "Poodle Dog" (=le caniche) par américanisation du nom. Evidemment de multiples boulangeries furent ouvertes dont la boulangerie Boudin.
Vous ne le saviez peut-être pas mais les "French laundries" jouissaient elles aussi d'une excellente réputation. Plusieurs furent inaugurées alors dont Peninou qui existe encore et qui est toujours le meilleur pressing de la ville !
Après les avoir nourris, comment loger tous ces gens qui dormaient dans des tentes faites des voilures des bateaux et qui prennaient feu sans arrêt ? On demandera à Vioget, un Suisse ayant servi Napoléon qui était ce que l'on avait de plus proche d'un ingénieur, de tracer le plan des rues de San Francisco. C'est lui que maudissent les cyclistes tous les jours pour ce quadrillage qui fait complètement fi des collines de la ville. Lorsque vous achetiez un lopin de terre, c'est à lui qu'il fallait venir et vous écriviez votre nom sur son plan affiché sur le mur de son saloon.

Tout cela n'est pas qu'une affaire de moustaches, dans une ville isolée où tant de jeunes hommes plein de rêves de fortune affluent, on peut rapidement se sentir en quête de compagnie féminine. Les quelques femmes, majoritairement françaises, ayant fait la traversée saisirent vite la manne. Les tarifs commençaient à $20 pour simplement s'asseoir à table à côté d'une dame (et se poursuivaient pour $500 ou $600 de l'époque si la dame était chaleureuse). Des prostituées extraites des plus hautes classes firent leur apparition. Elles faisaient les modes et obtenaient les dernières robes de Paris avant New York parait-il. On vit aussi la première femme croupière à San Francisco !
Malgré la ruée vers l'or, San Francisco n'en restait pas moins reculée. Un certain Emile Verdier entreprit d'apporter à San Francisco l'art de vivre parisien. Abordant la baie à bord du vaisseau "La Ville de Paris" croulant sous les marchandises, il se rêvait glorieux propriétaire d'une échoppe aux mille merveilles. Ses espoirs furent saccagés. La légende dit qu'il n'avait pas mis le pied hors de l'embarcadère que toute sa cargaison était déjà vendue ! Quel beau métier que l'import-export. Il n'avait plus qu'à refaire route vers la France pour recharger ! C'est ce qu'il fit plusieurs fois et il finit aussi par ouvrir une belle boutique sur Union Square surmontée d'une verrière décorée de son navire, "La Ville de Paris", avec l'inscription Fluctuat nec mergitur. C'était pas de la littérature mais n'en déplaise à Neyman Marcus (genre de Galeries Lafayette américain) qui démolit le bâtiment en 1980, ils furent obligés de conserver le dôme.

L'église Notre-Dame des Victoires dans le quartier français, copie de la cathédrale de Lyon (dernière photo)
De mon côté, R m'a réservé une belle petite surprise la semaine dernière puisqu'il m'annoncé qu'il s'était acheté une arme à feu ! Il se trahit par la suite et je compris quelques jours après que ce n'était pas un pistolet mais un pistolet + un fusil que cet hurluberlu avait commandés. L'expression de mon désaccord sur une possible cohabitation avec ce genre d'objets amena R à m'inviter à trouver une autre maison si rester était contre mes principes. J'avoue ne pas avoir passé les meilleures journées de ma vie à l'idée d'être expulsée à peine un mois après avoir abandonné ma ville, ma vie, mon chat, mes amis, ma maman, ma Paulo. Finalement, dans sa grande mansuétude, R accepte de stocker ses nouveaux joujoux chez quelqu'un d'autre et me fait bien sentir que je suis une vilaine fille.
Il nous prouva d'ailleurs à quel point il était un jeune homme responsable le vendredi soir à l'occasion d'un verre dans un bar à cougars et venture capitalists qui se poursuivit au Dutch Goose, ce qui le rendit encore plus joyeux.
Au lendemain de cette excursion dans la vie nocturne mouvementée de la Silicon Valley, je l'abandonnais sur un voilier pour une régate dans l'espoir sournois que la mer lui fasse reprendre ses esprits.

Pour ma part, je partis faire des montagnes russes en cable car. Après avoir embrouillé le contrôleur, je finis par monter gratuitement sur la plateforme de ce tramway à traction. Ce fut au raz des voitures, accrochée à une barre et sans garde-fou que je fis l'ascension des collines les plus pentues de la ville. Je pensais que ce serait un attrape-touriste mais c'était drôlement chouette.

J'ai enchaîné avec la parade de la Saint-Patrick qui était très bon enfant. Tout le monde dans la ville était vêtu de vert et le défilé comptait ce qu'il faut de hippies, de hipsters, de banières pour la réunification de l'Irlande et de bières. Les propriétaires de chiens de la race des lévriers irlandais avaient une place de choix dans le cortège et sont venus défiler avec leurs grands toutous tous poilus. Comme vous le verrez sur les vidéos, les asiatiques n'ont pas manqué de rendre aux san franciscains la pareille pour leur participation la semaine passée au défilé du nouvel an chinois.

Après ces petites festivités j'ai rejoint R qui avait croisé des lions de mer prenant le soleil sur une bouée au large du Golden Gate. Nous sommes entrés par la porte de service au St Francis Yacht Club - un des clubs de voile les plus select de la baie - et avons profité d'un cocktail qui s'y tenait, R avec son costume de marin passant inaperçu. Une fois la peau du ventre tendue, nous avons fini par échouer à une fête de la Saint Patrick organisée par Guiness qui avait privatisé une rue pour l'occasion. Autant vous dire que l'ambiance n'était pas la même.


Le Palais des Beaux Arts avec une Ford T de 1915
Je vous laisse sur des images du Palace of Fine Arts, qui est le seul bâtiment de l'exposition de 1915 Panama-Pacific qui ne fut pas démantelé. Cette exposition du même acabit que les expositions universelles mais qui tomba en plein pendant la première guerre mondiale célébrait la complétion du canal de Panama (qui rendait San Francisco accessible beaucoup plus rapidement aux gros tonnages). Elle était aussi une façon de montrer la renaissance de San Francisco après le tremblement de terre de 1906.
Bis bald !

N