Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

Sommaire

Brésil, aux arbres semés d’or

le 2 octobre 2012

Brésil, aux arbres semés d’or

J’aime votre patrie au ciel toujours pur,
Paradis qui se berce entre les flots d’azur,
Où le soleil brûlant, comme un phare féerique,
Couvre de ses rayons le sol de l’Amérique.
Vous êtes le printemps et moi,
Je suis l’hiver;
Je suis le soir tombant,
Vous le jour frais et clair,

Et j’aime à regarder l’aurore s’épanouir.
Oui! Je sens de la force et de la joie me venir à vous voir

Vous croissez.
L’Europe, le vieux monde,
Dans l’histoire a vécu la rapide seconde de sa vie.
Vous serez l’Europe, après-demain.
Le moment est critique.
Eh! bien, prenez la main
De l’Avenir puissant qui vous attend.
Alors, Dans ce vaste Brésil aux arbres semés d’or,
Passeront le Progrès, la Force et la Clarté:
On voit sur votre front une aurore d’été.

Victor Hugo


Brésil, aux maroquineries semées de monogrammes, est-elle vraiment si prometteuse que cela ta jeunesse qui s’en va, flûte en main, faire l’ascension des sommets ?

Excellente soirée, et pourtant si contrastée, la Giovanna Prima nous a donné l’occasion de retrouver toute la jeunesse dorée de la GV pour se déhancher jusqu’au bout de la nuit. Mais gare à vous, vous qui vous attardez sur la piste à quatre heures du matin passées, vous risquez de faire d’étranges rencontres. Au quatrième coup sonné, comme par enchantement, les brillants élèves se métamorphosent en ectoplasmes et marchent, le regard vide et l’air absent, juste capables d’étendre leur bras pour tenter de tripoter la moindre jeune fille venant à passer. Pas de remords, demoiselles, rossez le malpropre pour vous en défaire, son esprit, loin dans les limbes, n’est déjà plus à même de vous en tenir rigueur. En zigzaguant au milieu de ces étudiants ravagés par la boisson, et en tachant d’éviter les verres renversés immanquablement sur ses vêtements, on pourra également apercevoir d’innombrables couples éphémères dans les recoins sombres. Vraiment, il est temps de fuir le dancefloor.

Toute la bonne volonté du monde vous entraîne toutefois occasionnellement à devoir rester jusqu’à l’aube le temps de réussir à rassembler vos colocataires pour rentrer. Heureusement l’excellent E., armé d’une patience légendaire, fut d’une aide précieuse dans mon safari de colocataires éméchés.

Mon ami G. qui entame un périple d’une durée indéterminée en Amérique du sud est venu faire escale à São Paulo. Je vous arrête là tout de suite et vous reprends vos illusions sur la convivialité italienne : mes deux colocs apuliens (quelle tristesse que l’Académie n’ait pas fait du « pouilleux » le gentilé des Pouilles) ont refusé qu’il couche sur le canapé. Je laisse donc ma chambre à G. et alterne entre le lit d’H. et le sofa du salon (je joue un peu sur les mots : ils ne veulent pas « d’étranger » sur le canapé, j’en déduis que moi je peux y dormir).

Soucieuse de lui montrer dans toute sa splendeur la capitale culturelle sud américaine, je lui ai fait goûter à la vie nocturne pauliste en l’amenant, non pas un soir, mais deux soirs d’affilée dans un club (bien que, la seconde fois, ce fut plutôt E. qui nous traquenarda au BarBaro).

Petite parenthèse dans mon week-end festif, j’assistai, dans le Teatro Alfa de Santo Amaro, à une comédie musicale brésilienne, Ser Minas Tão Gerais (être Minas, si Gerais – du nom de la région Minas Gerais). Le livret a été composé en hommage au poète Carlos Drummond et au chanteur-compositeur Milton Nascimento. Sur ce dernier il fut dit, se Deus tem a voz, a voz é Milton Nascimento (si Dieu a une voix, c’est celle de Milton Nascimento). Aujourd’hui âgé de 70 ans, le temps a soumis son corps puisqu’il ne marche plus que supporté par d’autres acteurs mais sa voix, spectaculaire, a bravé les années.

Avec 60 comédiens de 7 à 70 ans sur les planches, autant dire que régnait sur la scène une vitalité exceptionnelle. La musique, quant à elle, n’emprunte rien aux harmonies européennes et la représentation résulte en un spectacle détonant.

Au sortir de la performance, on s’étonne de voir tous les acteurs dans le hall du théâtre (à l’exception du vieux Milton) et recevoir les félicitations des spectateurs. S’il ne s’agissait que de répondre aux Parabéns ! ce serait, quoi qu’encore un peu folklorique, du déjà-vu en Europe, mais cela va bien au-delà. Impossible d’échapper à la traditionnelle embrassade à tout rompre en allant féliciter un artiste. Vraiment, en rentrant, je vais devenir une hurluberlue avec toutes les mauvaises habitudes chaleureuses que je prends ici (et ne parlons même pas de la Chine où je serai une véritable paria).
Ayant retrouvé au théâtre N., une étudiante brésilienne de la GV, en compagnie de ses parents, ceux-ci nous invitèrent dans une pizzeria qui ne payait pas de mine mais dans laquelle le tout São Paulo semblait se retrouver. Ce dîner fut l’occasion de goûter la pizza locale, dont les brésiliens s’enorgueillissent qu’elle soit tant supérieure à la pizza italienne. Pleines d’enthousiasme, C., S. et moi nous livrâmes à une grande discussion en portugais avec nos généreux hôtes paulistes.
Décidée à continuer sur cette bonne lancée, j’allai dîner lundi chez Sujinho. A en croire le Routard, seulement maintenant puis-je affirmer connaître São Paulo. Manquer Sujinho semble être un véritable sacrilège. Une fois atablé, cela se comprend plutôt bien. Si contrairement à la description du guide la population n’a rien d’éclectique, la viande y est absolument savoureuse et confère à juste titre ses lettres de noblesse à cet ancien Bar das Putas. Le morceau le plus emblématique, la picanha, y est tendre à souhait, mais c’est principalement pour le prix plus qu’honnête que l’on distingue cette célèbre churrascaria.

Toutes ces réjouissances, vous l’aurez compris, avaient le but bien avoué de me couper de la dure réalité, à savoir ma semaine d’examens ainsi que des révisions qui auraient pu aller de pair.