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Nouvelles #11 Technologie Surf Sécheresse Koningsdag

le 3/5/2015

Voilà trois mois que j'ai pris les airs et mis une mer entre nous. Un printemps s'est depuis écoulé pour moi, un hiver pour vous. La chaleur arrive ici et les champs commencent à jaunir. Depuis quatre ans la Californie connait une sécheresse jamais égalée par le passé. Au royaume des golfs et des greens, je n'ai pas l'impression que les habitants changent vraiment quoi que ce soit à leurs habitudes mais je n'étais pas là il y a cinq ans pour comparer. Comme pour apporter sa pierre à l'arridité du climat, le secteur agricole consomme 80% des resources en eau et a pratiquement achevé d'assécher les nappes phréatiques. Sachez par exemple que l'une des productions principales de l'état est le riz (figurez-vous une rizière et trouvez l'erreur) ! Les mesures prises pour le moment n'inquiètent cependant pas les agriculteurs. Le gouvernement a demandé aux agences de l'eau de fermer un quart du robinet et a lancé un programme pour payer les gens pour remplacer les gazons par des plantes locales peu gourmandes en eau (vous pouvez faire appel à des entreprises comme "Turf Terminator" pour faire poser des cactus et arracher le moindre pigment vert).


Profitez des paysages verdoyants, c'est bientôt fini
C'est un peu la sécheresse dans mon esprit aussi pour tout vous avouer. Depuis deux/trois semaines je peine à maintenir la tête hors de l'eau. Je suis responsable de six clients et vais m'atteler à un septième la semaine prochaine, en plus de mes projets internes. Je travaille presque tous les soirs à la maison et ai à peine le temps de faire brûler mes poêlées que je retourne déjà bûcher sans pouvoir accorder un regard à ma fiche d'imposition ni à mes billets de nouvelles. Je n'arrive pas à trouver le temps d'aller passer mon permis de conduire californien non plus avec leurs bons horaires d'administratifs planqués. La balance est d'autant plus déséquilibrée que mon colocataire finit à 16h le soir et qu'il grogne parce qu'il doit attendre que je sorte du bureau et que je le lève tôt.

Cette situation devrait se prolonger puisque selon toute vraisemblance je vais recevoir mon visa H1b qui me donnera la possibilité de rester légalement aux Etats-Unis pendant trois ans renouvelables. Il y avait une chance sur trois de gagner la loterie cette année et nous étions sept de mon entreprise à le demander. La vie est ainsi mal faite : c'est moi, dont le visa actuel me permettrait théoriquement de rester encore un an et retenter ma chance à la loterie des visas l'an prochain, qui l'ai eu. Difficile de me réjouir vraiment sachant que certains qui sont là depuis un ou deux ans déjà vont être obligés de quitter la boîte et rentrer en Europe.

La plus grande problématique de la Silicon Valley concerne les ressources humaines: les entreprises technologiques peinent à trouver des employés qualifiés. Il y a beaucoup de pression sur le gouvernement pour augmenter les quotas et qui restent malheureusement des vœux pieux d'Obama. Couramment c'est comme si ces quotas diminuaient car les candidatures augmentent à un rythme de folie, éloignant constamment le graal (une chance sur trois au H1b cette année contre une sur deux l'an dernier, 3% de chances pour la loterie de la carte verte je crois quand on est français avec un master). De plus en plus de startups commencent à considérer sponsoriser les visas ce qui enfle le taux de rejet mais la plupart n'osent pas encore tant cela semble complexe vu de l'extérieur.
Quand bien même une chanceuse compagnie aurait trouvé ses perles rares, encore doit-elle les retenir. Les bons ingénieurs se voient offrir le double de leurs salaires par les Google de ce monde et les startups se font ainsi dépeupler de leurs talents. En plus de l'appât du gain, les maux inhérents de la génération Y font que nous voulons évoluer tout de suite et ne sommes pas vraiment dévorés par les remords à l'idée de changer d'entreprise souvent. Les geeks se savent en position dominante et en profitent. R est payé deux fois mon salaire et aurait pu négocier bien davantage sans contrepartie. Il faut donc alligner les revenus et garantir les mêmes avantages que les autres entreprises (déjeuner gratuit et varié, cadre de travail "fun", congés, couverture santé, stock-options, etc.) ce qui prend les firmes à la gorge. Et lorsqu'elles veulent employer les excellents développeurs européens qui ne demandent qu'une bouchée de pain sec, elles sont limitées par les visas.
Vous comprenez toutefois à demi-mots qu'elles ne sont intéressées que par des développeurs et restent plutôt frileuses pour sponsoriser les visas des autres profils.
Pour le moment l'afflux de capitaux permet de payer les employés davantage mais il faut savoir que de plus en plus d'analystes dénoncent la bulle qui se forme autour des startups. Les investisseurs distribuent à l'envi de l'argent à des gens qui n'ont qu'une idée, à peine un proptotype et pas forcément de marché. Les fonds injectent en permanence du cash dans des entreprises qui ne sont pas prêtes d'être profitables et qui surfent souvent sur des tendances - généralement peu perennisables. Pour l'instant l'industrie technologique fonctionne bien et la sonnette d'alarme n'est pas encore tirée mais l'on entend par-ci par-là les mots spéculation et surévaluation dans la presse.

J'ai pu échapper à la vigilance de mon ordinateur le weekend et le délaisser pour participer à des activités plus amusantes - s'il en est - que jouer avec des bases de données. La semaine dernière R et moi sommes allés célébrer le Koningsdag : la fête nationale hollandaise honnorant l'anniversaire du roi. Cet évènement se tenait sur la face pacifique du Golden Gate Park, un parc gigantesque au cœur de la ville, rectangulaire et long comme Central Park à New York (mais plus grand : 412ha contre 341ha pour Central Park - qui est déjà gigantesque). Saupoudrés d'un peu d'américanisation, nous avons pu déguster des stroopwaffels, poffertjes et harengs vendus par des foodtrucks en regardant doucement tourner les ailes du Murphy's windmill, l'un des deux moulins du parcs installés au début du siècle dernier pour - comme les polders néerlandais - pomper l'eau souterraine et irriguer le parc. Le consul ressemblait à tout sauf au cliché du hollandais germanique et sérieux : grand et blond certes mais avec les cheveux longs frisés, pantalon orange, veste rouge et surtout un badge en forme de Stroopwaffel. Cette journée fut surtout l'opportunité pour certains d'assumer une couleur difficile à porter : le orange !

Je me permets de faire une courte digression. On m'avait demandé si, étant au cœur de la Silicon Valley j'avais eu l'occasion de tester des concepts originaux n'existant pas encore en France. Je n'ai rien vu de révolutionnaire pour le moment mais je peux partager quelques remarques avec vous.
Il n'y a pas de drones qui vous survolent en permanence mais j'ai vu passer une Google Car une fois et l'on voit des Tesla partout.
Les gens recourent bien davantage au e-commerce qu'ailleurs mais cela peut tout simplement s'expliquer par le fait que les distances soient longues et qu'aller à droite, à gauche ne soit pas très pratique ici. La plateforme d'e-commerce dominante est Amazon et il n'y a pas de vraie alternative (même si ça pulule de startups, ce sont des effets de mode pour le moment). On voit émerger de nouveaux comportements d'achat d'ailleurs : certaines personnes passent de grosses commandes pour des vêtements, les essaient chez elles et renvoient ce qui ne leur plait pas (Zappos par exemple a un taux de retour de 25%).
Les deux seuls produits nouveaux que j'aie utilisés de mes propres mains sont d'une part VenMo, une application qui remplace les comptes d'apothicaires en remboursant instantanément quelqu'un qui aurait payé quelque chose pour vous (ça existe en France mais les gens que je côtoie l'utilisent systématiquement ici). D'autre part il y a Square, un système de paiement qu'utilisent tous les foodtrucks ou les stands dans les festivals. Il s'agit juste d'un petit carré de plastique qui se branche dans un téléphone ou une tablette et qui peut lire la bande magnétique de votre carte de crédit. Ainsi, vous passez commande, il passent la carte dans ce petit appendice, vous validez et vous recevez le reçu par sms ou email. C'est très pratique et cela permet de ne jamais avoir à se demander si l'on a du liquide sur soi. D'ailleurs, le marché et la machine à laver sont les deux uniques endroits où j'utilise jamais des espèces, tout le reste est démonétisé au grand dam des SDFs.

L'océan pacifique devant le Golden Gate Park
La plage et son immensité vous attirent ? Si je vous parle de la houle et de ses 12ºC, serez-vous toujours aussi audacieux ? Nous nous sommes laissés tenter en allant surfer à Santa Cruz avec des français de mon entreprise qui sont de vrais fanatiques. Les bons surfaient la vague, moi c'était la vague qui me surfait mais je me suis bien amusée.

Les migrations des gros poissons


Vous l'avez lu, même en weekend, je reste confortablement en meute avec mes collègues. Il y a une ou deux semaines la RH, qui est une invétérée de Las Vegas et tient un tripot un jeudi par mois chez elle, a organisé un tournoi de Poker un samedi soir au bureau. Je précise que les profits de l'évènement ($10 000 quand même) ne sont pas allés dans sa poche ni dans la mienne malheureusement mais ont été reversés à une association quelconque. Hier nous avons fait une excursion dans la Napa valley. Je ne vous en dis pas plus car j'aborderai le sujet dans deux semaines (à l'occasion d'un festival vinicole auquel nous allons nous rendre aussi). Pour accroître le suspens, je vous offre une unique photo de mon escapade.

Avant goût de la Napa Valley
Ca a l'air chouette comme ça mais la vérité est que mon meilleur ami en ce moment est mon ordinateur pro. Heureusement, il est sympa.