Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Gastronomie des esprits et religion des ventres

le 27 septembre 2012

Brrr, je suis frigorifiée. Au commencement de ce blog, j’avais mentionné que São Paulo avait la réputation d’alterner les quatre saisons en quelques jours. Je suis en train de l’expérimenter dans tout ce que l’adage a de désagréable. En rentrant de la Costa Verde la semaine dernière, il faisait une chaleur intenable (42°C); et aujourd’hui nous avons à peine 10°C et nous grelottons lorsque nous ne sommes pas en train de courir sous une averse. Quel horrible printemps brésilien s’annonce-là… mais j’ai entendu dire qu’il ne faisait pas beaucoup plus beau en France. Heureusement pour moi, ici nous nous dirigeons vers l’été.

Petit moment spirituel et grand moment culturel : la messe brésilienne. Nous avons assisté à un office sur Ilha Grande qu’un européen qualifierait des plus folkloriques. La salle était comble, et toute l’audience chantait à tue-tête. En plus de marquer le rythme en frappant des mains comme les chanteurs de gospel durant les refrains, le prêtre nous invitait, pour chaque couplet de chaque chanson, à faire des vagues dans les airs avec son bras, comme on ferait dans un concert avec des briquets. La Bible fit son entrée sous une salve d’applaudissements qui allait crescendo plus on approchait le Livre de l’autel, le tout finit dans une ovation tonitruante. La célébration suivit son cours, tout le monde main dans la main pour chanter le Notre Père. La paz de Cristo (paix du Christ) ne se donne évidemment pas par une timide poignée de main à l’européenne mais au contraire avec force étreintes avec des inconnus. Finalement, le curé appella les ouailles dont l’anniversaire tombait cette semaine-là et nous chantâmes tous en chœur parabéns para você (joyeux anniversaire) aux heureux vieillissants. Trouvez l’impie ici.
Toute enthousiasmée par cette cérémonie colorée et dynamique, je m’empressai, de retour à São Paulo, d’effectuer une comparaison avec la magnificence à laquelle je m’attendais d’une paroisse d’un quartier aisé de la mégalopole. Quelle ne fut pas ma déconvenue. La grande église de l’Assunção de Nossa Senhora, bien que pleine à craquer, ne faisait pas monter jusqu’aux cieux le moindre décibel. Les quelques chants par lesquels les fidèles honoraient Dieu étaient complètement dépressifs et ne se dégageait de la foule qu’un faible murmure. L’auditoire finit de se cristalliser dans son asthénie et son individualisme lorsque le père omis le moment le plus amusant de la messe, d’après mon agnostique de mère. J’avais encore en mémoire les chaudes étreintes données sur Ilha Grande ; à São Paulo, ils n’ont juste pas daigné faire la paz de Cristo. Pas de câlins, donc, chez les paulistes.
Et pourtant, ils aiment bien vivre nos paulistanos. Fashion week, Restaurant week… oui, ils sont accros aux « weeks » ici aussi. Le prix du menu est unique pour les 231 restaurants semi-gastronomiques participants : 31,90 R$ (~12 €) le déjeuner et 43,90 R$ (~17 €) le dîner. Cette manifestation est similaire à l’évènement Tous au Restaurant qui se déroulait en France du 17 au 23 septembre. L’avantage c’est que l’euro se renforce face au real et donc que les prix sont dérisoires, l’inconvénient c’est que j’ai maintenant la peau du ventre bien tendue…
Toute grande ville digne d’attention a son opéra et São Paulo, ne souhaitant pas faire exception, parfit son statut de métropole culturelle en se dotant du sien au début du XXe siècle. Ce théâtre à l’italienne fut conçu pour accueillir quasi-exclusivement des opéras et, ce vendredi, j’eus enfin l’occasion d’entrer dans le Theatro Municipal pour assister à une représentation.
L’opéra de Debussy auquel je me rendis s’intitulait Pelléas et Mélisande. Pas désagréable, mais loin d’être une merveille, j’en imputai la faute à l’auteur que je juge plus doué pour l’agrément. La musique est harmonieuse mais la composition est lente, et ses élans, au lieu de magnifier les voix des chanteurs, les couvrent dans leur clameur. Les décors, plutôt minimalistes, étaient d’une grande ingéniosité. Plus élaboré, celui de la scène du souterrain était tout simplement splendide. Le spectacle se jouant à guichet ouvert, nous pûmes aisément nous replacer dans l’orchestre durant l’entracte, ce qui fut un grand soulagement pour nos torticolis naissants.
Contre baryton, soprano et tenor, troquons des sonorités bien moins harmonieuses et élitistes et parlons du vacarme incessant auquel s’adonnent les voitures de campagne des candidats au poste de vereador. En octobre se tiendront les élections de mi-mandat présidentiel qui désigneront les futurs préfets et conseillers municipaux (vereadores). En conséquence, des véhicules sillonnent les rues, le coffre chargé de puissantes sonos qui diffusent des messages en boucle.

Pour comprendre, il faut savoir qu’ici, les candidats se voient attribuer un numéro (22, 11… à Parati, 55111,70070… à SP). C’est donc à celui qui arrive à imprimer dans nos cerveaux le matricule de son candidat. Seule solution : la répétition par bourrage de crâne. Les partisans se relaient ainsi pour quadriller la ville et toucher le plus de gens possible de leurs textes raffinés (« votez 17″; « 17 a réponse à tout »; « 17 c’est le meilleur »; « Go 17″) récités sur une musique de fond des plus originales (« 17 ! 17 ! 17 ! 17 ! »). J’ai pu remarquer que cette stratégie fonctionnait beaucoup mieux à Parati qui compte, en tout et pour tout, une seule artère que l’on ne peut éviter; par opposition à la gigantesque São Paulo.
Ma conscience politique étant ce qu’elle est, mon quota de citoyenneté se retrouve entièrement dévolu à la promotion ardente de mon école et de l’enseignement supérieur français. Armés de tartines de Nutella, D., H., S., A. et moi avons courageusement passé un après-midi à tenir un stand à l’International Exchange Fair dans le gymnase de la FGV. Apparemment HEC est l’école la plus demandée par les étudiants brésiliens lors de leurs vœux pour faire un échange international. Pour autant nous n’eûmes que peu de visites (les brésiliens s’auto-censurant à cause du niveau demandé pour être accepté, parait-t-il), en dehors des autres élèves étrangers qui venaient se goinfrer de nos victuailles. Le prix de la meilleure représentation revint à l’ESADE. Ma mauvaise foi me pousse à dire « tout ça parce qu’ils avaient une guitare ».

En parlant d’école, le premier modulo (bimestre) finit avec les examens la semaine prochaine. J’ai donc déjà passé deux mois au Brésil.