Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Cinema 4D e eu tenho um CPF !

le 1er septembre 2012

Nouvelle petite réjouissance administrative : l’obtention du CPF. Seulement deux heures pour l’obtenir, je m’entendrais presque dire que les difficultés administratives se résorbent si le CPF n’était pas lui-même l’emblème absolu de la bureaucratie brésilienne. Sans lui, il m’était impossible d’acheter une carte SIM légalement (y compris l’équivalent de la mobicarte), de recharger mon portable, d’acheter quoi que ce soit sur internet (même un ticket de bus pour aller à la plage), d’avoir un compte en banque, voire juste de m’inscrire à une conférence donnée dans mon propre établissement. Le plus dur est derrière moi à présent, je n’ai plus à subir l’humiliation quotidienne d’avoir à répondre não lorsque la caissière du supermarché me demande si j’ai un CPF. Ce cher numéro deviendra l’un de mes plus fidèles compagnons, d’autant plus qu’il s’agit de mon numéro à vie.
Nous sommes passées visiter l’un des hauts lieux culturels de l’avenue Paulista : la Livraria Cultura. Un véritable temple du livre. Finis étagères poussiéreuses et libraires analphabètes, la Livraria Cultura est une énorme librairie chaleureuse qui, en sus d’un large choix de bouquins, offre des espaces de lecture cosy et intelligemment agencés dans un bâtiment à l’architecture surprenante. Tout en sachant rester chaleureuse, la boutique ressemble à l’antre d’un savant farfelu avec ses escaliers dans tous les sens.
Dès que la nuit tombe, lorsque nos cours finissent et que les cours du soir pour brésiliens commencent, la rua Itapeva pullule d’élèves. Les vendeurs de rue apparaissent alors (impossible de les trouver le midi) et déballent leurs plaques de cuisson. Si nos narines sont chatouillées par l’odeur du maïs grillé dans le beurre, c’est vers la vendeuse de tapioca que nos estomacs trainent nos corps las. Alors que les bretons s’ennuient à mélanger savamment œufs, farine et lait (bierre parfois également), il suffit aux brésiliens d’épandre leur épaisse farine de manioc dans la poêle pour que celle-ci se solidifie et forme une crêpe qui n’a rien à envier à ses cousines bigoudènes. Chocolat-coco ou fromage-herbes fines, il y en a pour tous les goûts ! Il faut juste passer le pas d’acheter queque chose cuisiné dans la rue au Brésil mais le prix de R$ 4 (~1,6 €) ragaillardit nos porte-monnaie.

Un diner avec ma buddy m’a montré à quel point la chirurgie esthétique est commune ici. Décomplexée, celle-ci me dit que la moitié des filles de sa classe dont les poitrines ne sont pas naturellement grosses a eu recours à une augmentation mammaire et qu’elle-même la fera. Sa mère et sa sœur ont déjà subi l’opération d’ailleurs. Apparemment, les brésiliennes cherchent à combler la démesure avec leur postérieur : c’est donc une recherche de l’harmonie qui les pousse à se dénaturer de la sorte. Le concept mène parfois à des aberrations humanoïdes mais révèle surtout les investissements colossaux du pays pour faire du Brésil la capitale du tourisme médical avec d’ores et déjà pas moins de 180 000 patients soignés de leurs complexes entre 2008 et 2011.
Club de samba le plus couru des gringos de Sampa, O do Borogodo s’est révélé bien plus accueillant que le Pau Brasil. Plus grand et mieux organisé, d’une part, ce lieu incontournable proposait une bien meilleure programmation musicale. Si j’ai regretté l’absence d’inconditionnels brésiliens, danser avec une bande d’internationaux présentait le grand avantage de pouvoir gigoter aussi mal qu’on le voulait sans gêne et… individuellement ! L’orchestre était, de plus, super ! Et puis, c’est tout de même drôlement cool d’avoir vue sur le cimetière (allez savoir pourquoi, sûrement pour le prix de l’immobilier, mais tous les bars chouettes avoisinent un cimetière) !
Je me dois de dire un petit mot sur le cinéma brésilien. En cours de portugais, nous avons regardé le film d’anthologie Se Eu Fosse Você (si j’étais toi), une comédie dont l’histoire est celle d’un mari et d’une femme qui se réveillent chacun dans le corps de l’autre. Ce grand moment de cinéma ne nous a épargné aucun cliché si l’on en croit l’acerbe critique d’H. Tout y est passé en stéréotypes hommes/femmes, toutes les blagues grossières ont eu leur minute de gloire éphémère, et tous les acteurs ont pu incarner un personnage des plus caricaturaux. Le plus frappant était de constater à quel point la telenovelas influence le jeu des acteurs. Pour un européen, cela fait davantage penser au théâtre. Il faut cependant reconnaître une vertu à ce film : pas besoin de parler portugais pour le comprendre.

Dans un autre registre, nous avons regardé Cidade de Deus (Le cité de Dieu), figurant souvent dans les classements des meilleurs films de tous les temps et qui retrace l’histoire d’une favela de Rio dans les années 1960 et 1970.
Je suis également allée au cinéma pour de vrai en allant voir Os Vingadores (The Avengers). Attention, il ne s’agissait pas de n’importe quel cinéma mais d’un cinéma en 4D ! Souvenez-vous du cinéma sentant d’Aldous Huxley… on n’y est pas encore mais ça commence : le siège s’incline en suivant les mouvements, il donne des coups durant les scènes de violence, il souffle de l’air et éclabousse ! Il y a des flashes de lumière dans la salle et des fumigènes sous l’écran. Je ne suis pas persuadée que cela apporte quoi que ce soit au film mais c’est une expérience amusante (la salle rit à chaque nouveau phénomène au lieu de se ronger les sangs pour les héros à l’écran).
Cependant, ce qu’il fallait retenir, c’est certainement plutôt le centre commercial dans lequel était le cinéma, JK Iguatemi. Cet endroit est une véritable beauté, on se croirait dans la modélisation de l’architecte tant tout est propre, lumineux, parfait. Inauguré il y a quelques mois à peine, ce centre commercial abrite les plus grandes marques de luxe ainsi que des marques de prêt-à-porter type TopShop ou Zara (qui est considéré comme luxueux ici). Il illustre parfaitement le penchant des brésiliens pour les gigantesques malls à l’américaine. Les grandes enseignes l’ont très bien compris : ne cherchez jamais Louis Vuitton sur les Champs Elysées paulistes mais plutôt dans les galeries marchandes, mêmes les moins huppées. Dernier critère auquel ne répond pas du tout le JK Iguatemi, sis au coeur du quartier Itaim Bibi, le futur centre névralgique de São Paulo dont la Faria Lima détrône chaque jour un peu mieux la Paulista. Sur sa terrasse/solarium, au dernier étage, richement garnie de gigantesques canapés, on peut apprécier un rayon de soleil tout en contemplant Itaim Bibi, ses gratte-ciels flambant neufs et ses chantiers parsemés de grues.