Curiosix La France n'est pas une nostalgie, elle est une espérance

Sommaire

Nouvelles #14 Paddle et pétanque

le 28/06/2015


C'est la saison des amours en ce moment pour les écureuils. C'est très drôle à voir le matin en allant travailler.
Good afternoon to you all,

Devinez qui a à nouveau déjoué la douane étasunienne pour nous rendre visite ? C'est bien sûr ma très chère G !

Quel plaisir de retrouver G pour cuisiner des fajitas ou grignotter un morceau au bord de l'eau !
Si loin de France, nous avons presque l'impression d'être à nouveau voisines. Plus vraiment question de se retrouver à la dernière minute pour un apéro-carottes puisque nous avons troqué 5min de vélib' contre 5heures d'avion mais nous maintenons les traditions du mieux que nous le pouvons tous les deux mois. Je n'ai pas encore reçu l'autorisation de l'agence d'immigration de voyager hors des Etats-Unis (ils ne veulent pas de nous mais une fois sur le territoire, impossible de s'échapper !) mais ça ne devrait pas tarder et je pourrai donc bientôt aller manger des tapas en sombrero à Mexico !
Il faut dire que nous lui avons sorti le grand jeu. Nous sommes allés voir Jurassic World, un bon film bourré d'effets spéciaux et de dinosaures, dans un... drive-in theater ! Le tout en dévorant des hamburgers achetés au drive-in du Burger King. Une belle soirée californienne passée sans quitter une seconde la voiture. D'autant plus que nous bénéficiâmes d'une expérience on ne peut plus authentique puisque dans notre plus parfaite naïveté nous nous garâmes sur la rangée du fond et que le véhicule adjacent dont les fenêtres étaient obstruées se mit à faire des soubresauts suspects.

Autre fantasme californien: le surf ! San Francisco n'ayant pas vraiment sa promenade des anglais, il n'y a pas cette noble culture de la plage qui veuille que des jeunes hommes nonchalants et bronzés paradent sans jamais s'approcher d'une goutte d'eau. Pour aller surfer, il faut conduire une heure et rejoindre Santa Cruz. Pas de plage, seulement des rochers et des bancs d'algues. Pas l'ombre non plus d'une sirène à l'horizon pour détourner le surfeur de la lame. Le planchiste local se retrouve donc voué au sérieux dans sa pratique et n'éprouve pas le moindre remords à humilier ses semblables s'ils venaient à lui couper sa wave. S'il est une chose qui lui fait avaler son board d'ailleurs, c'est bien ce kook qui fait du paddle (sport où l'on est debout sur sa planche et où l'on pagaie avec une rame).
Résistant encore et toujours à l'oppresseur, j'ai donc décidé avec délectation samedi dernier de faire du paddle justement, tandis que nos "vrais sportifs" attendaient assis sur leurs planches dans une mer d'huile cette satanée vague qui ne venait pas.
Nous avons pagayé au large, fait le tour d'un voilier et dormi au soleil, voguant à la dérive sur nos planches tandis que ça se rentrait dedans là-bas pour la moindre vaguelette. Mine de rien, le paddle m'a fait découvrir au lendemain des muscles dont mes épaules ne soupçonnaient pas l'existence.

Les deux fois où je suis allée à Santa Cruz, l'ambiance était plutôt chouette puisque nous y allâmes avec des collègues : nous étions trois ou quatre débutants à prendre avec décontraction les vagues dont personne ne voulait tandis que le restant de la troupe faisait partie des aguerris et améliorait le niveau de boditude du groupe. Après l'effort, nous finîmes au Betty Burger pour compenser en gras les muscles que nous venions de nous tailler.

Le grand blessé, toujours avec son baudrier à la sortie de l'hôpital
Pour clore le chapitre des dérogations à mon mode de vie végétatif, je suis allée faire de l'escalade. A la vérité je n'ai pas touché une seule prise.
Mon amie A. refusa de grimper, prétextant qu'elle avait peur de se déboîter l'épaule. Nous la regardâmes avec des yeux de merlan frit et son petit-ami la rabroua gentiment avant de s'attaquer à sa première piste. Devinez quoi? Après un mètre ou deux d'ascension, faux mouvement et... son épaule sortait de dix bons centimètres. Bilan: toute notre petite cordée en tenue d'escalade à l'hôpital. Il refusa avec courage tout anti-douleur et toute radio et supplia qu'on lui mît un grand coup dans l'épaule et qu'on n'en parlât plus.


Quelques nouvelles de la résidence ?
Le conseil mensuel du board s'est tenu jeudi soir. Je n'y ai pas assisté mais j'ai pu rattraper les nouvelles en participant au debrief qui se tint au Dutch Goose avec nos voisins M et G. Un couple de nonagénaires a demandé à ce qu'il n'y ait plus d'enfants qui rient à la piscine ("no laughing children").
M s'était entendu avec ses voisins du dessous pour faire installer un parquet chez lui. D'autres résidents ne l'ont pas entendu de cette oreille et ont tenté de l'en empêcher. Il s'est retrouvé à invoquer une loi anti-discrimination contre le handicap. Son infirmité reconnue par la loi ? Allergie aux acariens !
L'anecdote la plus folle de la semaine venait de S (la dame qui boit du rhum-coca à la piscine). Elle aurait partagé ses suspicions quant à une voisine dont le ventre s'arrondit. Comme cette dernière a déjà deux enfants, cela monterait le compteur à trois. Or une règle de la résidence (contrevenant certainement outrageusement à la loi) interdit d'avoir plus de deux personnes par pièce. S aurait donc conclu avec le sérieux qu'il allait falloir les expulser (notez que cette famille n'est pas locataire, mais propriétaire) ! Rassurez-vous, S a trois de ses petits-enfants chez elle en ce moment donc elle ne devait pas être trop difficile à faire fléchir.

Sinon mes voisins ont adoré G qu'ils ont rencontrée au bord de la piscine. Tous m'ont dit à quel point elle était adorable et qu'ils s'inquiétaient qu'elle ne pût pas trouver un travail à la hauteur de ses diplômes au Mexique.
Après quoi ils se sont remis à entonner leur rengaine habituelle "Hum lovely... blablabla...that's so lovely, isn't it?... Oh yes Lovely...Oh hi ! Isn't it lovely?... It looks so lovely in there... the weather is really lovely... Good afternoon... it feels so lovely..."
Il me semble vraiment que l'art de la conversation est de toujours être plaisant ici et de tout faire pour éviter les conflits et les sujets qui fâchent. Cela sonne toujours un peu creux mais a le mérite de maintenir les bavardages sur un ton jovial et optimiste.
Les discussions lorsque je déjeune avec mes collègues obéissent à la même logique. Nous n'avons jamais abordé un sujet d'actualité ou parlé politique alors que c'est le pain quotidien de toute pause café ordinaire en France. Ne jamais débattre et toujours changer de sujet lorsque des thématiques "sérieuses" sont abordées a pour pendant de susciter un certain désintéressement : je ne pense pas que mes collègues suivent beaucoup les nouvelles.
Vendredi j'avais le cœur lourd en allant au bureau après avoir appris les multiples exactions du jour et personne n'avait l'air au courant. Même si les Etats-Unis sont la cible d'attentats, j'ai vraiment l'impression d'être sur un continent coupé du monde.

J'ai tout de même saisi l'occasion au vol cette semaine et mis mes pieds dans le plat. J'ai interrogé une collègue pour savoir dans quelle mesure le drapeau confédéré représentait des valeurs traditionnalistes par opposition à la suprématie dans l'état sudiste de Georgie dont elle est originaire. Impossible d'avoir une réponse, quelle que soit ma formulation de la question je n'obtenais que la réplique policée "Nous ne sommes pas racistes".
La conversation a tout de même fini par dériver sur une forme de débat : l'autorisation des armes à feu. C'était assez étrange car la rhétorique adoptée était celle du pathos : ma collègue utilisait toujours des mises en situation avec des petites filles sans défense et d'horribles meurtriers : "imagine que tu as une fille, qu'elle est toute seule et que quelqu'un entre dans la maison..." Ce genre d'argumentaire est une véritable insulte à l'intelligence.

Tiens une petite fille avec un fusil pour Noël, normal !
Je vous recommande la vidéo suivante qui reprend avec beaucoup d'humour les différentes thèses sur le sujet.
L'argument le plus en vogue est que posséder des armes décourage les cambrioleurs car ceux-ci viennent pour vous tuer. La vérité est qu'il y a 2,5m d'intrusions par an aux Etats-Unis, par tête cela fait 7 pour 1000 soit exactement comme en France (6 pour 1000). Je n'ai pas trouvé de chiffre officiel mais il ne semble pas que les cambrioleurs soient davantage armés. Les statistiques montrent surtout que posséder une arme chez soi ne fait qu'augmenter le risque de mourir. 61% des morts par balle sont des suicides, chiffre auquel il faut ajouter les accidents et les crimes passionnels.
A ce sujet, G - originaire du Texas - nous raconta comment à 8ans il assista chez lui au meurtre de sa baby-sitter : son petit-ami leur rendit visite avec son arme et plaisanta en faisant mine de tirer sur elle sans s'être assuré que l'arme était déchargée. Les accidents type Bébé trouve un révolver dans la maison et tue sa mère sont également monnaie courante et ont cessé de défrayer la chronique. Les gens continuent à offrir des armes à leurs prochains. Le plus gros vecteur pour obtenir une arme est justement par sa famille ou ses amis (un peu moins d'1,5m offertes pour Noël en 2011). Ainsi, en 2009, pour 306m d'américains on comptait 310m d'armes à feu (hors militaires). De quoi rigoler jaune pendant quelques décennies encore.

Les chiens continuent à faire la loi au bureau
Au bureau nous avons également eu notre petite bombe. F, le responsable de mon équipe, un des premiers et des meilleurs collaborateurs de l'entreprise, nous a annoncé qu'il nous quitterait dans un mois pour se joindre à deux autres anciens employés qui montent leur boîte. Tout le monde est resté bouche-bée lorsqu'il nous l'a annoncé. Deux collègues avaient les larmes aux yeux et du mal à parler. L'ambiance s'est un peu désamorcée par des plaisanteries mais l'atmosphère était intense. Il n'est pas nécessaire à aucun d'entre nous dans notre travail et éprouve un plus grand plaisir à coder dans son coin qu'à manager mais il confère une certaine aura à l'équipe et nous obtenait toujours les projets les plus intéressants. En plus d'une profonde affection pour lui, je pense que nous nous inquiétons aussi un peu égoïstement de ce qu'il va nous advenir et si la visibilité que nous avions va perdurer sans lui.
Le petit coup de blues de vendredi ne nous empêcha toutefois pas de profiter du weekend. Bien décidés à exporter l'art de discourir avec mauvaise foi dans la plus pure tradition du Midi, nous avons organisé une partie de pétanque hier entre collègues. Le tout fut bien évidemment suivi d'un barbecue-hamburger, montrant que l'on pouvait prendre aux deux cultures ce qu'elles avaient de meilleur.

Pop quizz : Savez-vous comment les spectateurs ont le son lorsqu'ils vont voir un film dans un drive-in ?