Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Baía de Todos os Santos

le 25 novembre 2012

Les bonnes photos viennent de l'objectif de mon amie C. Merci à toi !
C’est à Bahia que j’ai choisi d’aller traîner mes Havaianas durant le feriado (week-end long grâce à un ou plusieurs jours fériés) qui s’est transformé pour la peine en dix jours de vacances.

Si vous parvenez à suivre l’histoire du pays, souvenez-vous que Pedro Alvares Cabral découvrit le Brésil en 1500. Quelle région exactement, je vous le demande ? Bahia, sacrebleu ! Le Traité de Tordesillas (1494) qui séparait le monde en deux entre le Portugal et l’Espagne attribua, de fait, ces nouvelles terres aux Portugais. Tomé de Sousa, premier gouverneur général du Brésil, établit la capitale du nouveau monde lusitanien à Salvador en 1548.

Bahia signifie « baie » et se rapporte bien entendu à la seconde plus grande baie au monde, Baía de Todos os Santos, sur les rives de laquelle se déploie Salvador, troisième ville la plus peuplée du Brésil et quatrième ville la plus dangereuse en terme d’homicides par habitants. Bâtie sur les hauteurs à force de se faire attaquer, mais nécessitant un accès à la mer dans le même temps, Salvador est une ville sur deux niveaux. Pour relier la ville haute à la ville basse, un ascenseur fut érigé en 1873. Il s’emprunte toujours aujourd’hui moyennant la modique somme de 0,15 real.
Dangereuse, la cité enferme son cœur historique au milieu de quartiers très populaires où les touristes sont clairement invités à ne pas se rendre. Parmi ses nombreux attraits, le centre restauré, le Pelourinho (mot à mot « petit pilori » car on y punissait les esclaves), compte une école de samba, Olodum, dont la renommée concourt à faire du carnaval de Salvador le plus couru de tout le Brésil. Ses tambours rythment tout le jour durant les déambulations des visiteurs dans les venelles classées patrimoine mondial de l’UNESCO.
Dès le premier soir, je constatai l’authenticité de la banalisation de la violence dans la ville. Alors que le taxi s’était engagé dans un lacis de ruelles désertes et mal éclairées, la voiture devant la nôtre pila. Du côté conducteur, jaillit un homme qui fila dans une rue adjacente ; d’une autre portière, sortit un second qui, sans se presser, contourna le véhicule tout en rangeant dans son pantalon, recouvert par son marcel, un révolver dont la longue crosse métallique nous éblouit un instant lorsqu’un rai de lumière s’y réfléchit furtivement. Notre chauffeur, fatigué d’attendre, ne trouva rien de mieux à faire que de klaxonner le truand, lequel dégagea gentiment le chemin. Tudo bem.

Devant notre pousada barricadée avec des barres de fer, une voiture de la Policia Militar faisait le vigile toute la nuit. En journée, nous n’avions droit qu’à un ou deux militaires à pied. Hormis de gros breaks policiers qui patrouillent le quartier à toute heure, le Pelourinho a été rendu piéton et les rues frontalières avec la ville sont surveillées. En dépit de ces précautions, les Salvadorenses ne se découragent pas : sur le point de vue à côté de la cathédrale, des jeunes se livraient sans chercher la discrétion à des échanges de petits paquets contre des liasses de billets. Une amie qui était à Salvador en même temps que nous s’est fait dérober son sac à main – que les policiers ont toutefois récupéré (mais qu’elle n’est pas allée chercher car il fallait se rendre dans un endroit très mal fréquenté pour cela apparemment).

Nous partîmes ensuite trouver un peu de nature et de calme dans l’intérieur au Parque National da Chapada Diamantina (oui, il y avait un peu de diamants ici aussi mais la découverte des mines du Minas Gerais sonna le glas pour les chercheurs de cailloux et autres écumeurs de ruisseaux bahianais). Le parc est situé en l’exact centre de l’état de Bahia (qui est plus grand que la France).

La diversité des paysages était saisissante. De splendides panoramas en grottes au bleu d’azur, nous sautions comme des cabris de roche en roche pour remonter rivières et cascades.

C’est cela qui nous ravit au Brésil : il suffit de suivre un cours d’eau (de préférence pas le Rio Tietê – un fleuve répugnant de Sampa) pour tomber, au détour d’un gros rocher, sur des chutes inconnues au bataillon. Le pays compte trop de cachoeiras plus belles les unes que les autres pour que l’on puisse les répertorier toutes, mais partout c’est le même régal de s’y rafraîchir. La pierre de la plupart d’entre elles est d’ailleurs tellement glissante qu’elle forme des tobogans naturels pouvant offrir jusqu’à plusieurs mètres de glissade.
Et à nouveaux, des paysages…

(bien chercher le poulain de la seconde jument)
Le Brésil possède énormément de chevaux sauvages. Cependant, ne les cherchez pas dans les vallées s’étendant à perte de vue, vous risqueriez d’être déçus. C’est dans les villes que vous apercevrez Spirit l’étalon des plaines. Ainsi l’on voit un peu partout des juments et leur poulain trotter dans les rues des petites bourgades. Ces bêtes malingres n’appartiennent à personne mais un paysan sera sans scrupule pour leur passer la bride au cou lorsqu’il aura besoin de labourer sa terre.


En rentrant d’une ascension du Morro do Pai Inácio ou d’une interminable baignade dans le Rio Serrano, Lençoís (mot à mot « draps » car les tentes des premiers pioniers étaient faites de toile similaire à des draps) offre de multiples opportunités pour se remplir le ventre de moqueca (une spécialité culinaire à base de poisson qui témoigne de l’influence africaine sur la culture bahianaise) et siroter une caipirinha en compagnie d’aventuriers brésiliens de notre auberge. Fait intrigant : nous avons rencontré d’innombrables paulistes partis à la découverte de leur pays mais ceux-ci voyageaient toujours en solo. Ils liaient donc avec tout le monde de façon déconcertante.
Après la ville et la montagne, il nous manquait la plage pour avoir fait le tour des reliefs de Bahia. A la suite d’une nuit blanche trépidante qui commença avec un bus à minuit et où il nous fallut changer de bus à 3h, 5h puis 10h du matin, notre bateau accosta enfin à midi sur l’île de Tinharé, au village de Morro de São Paulo.

Qui ne connait pas la réputation des plages brésiliennes ? D’un machisme inégalé les brésiliens n’admettent que le bikini à la plage. Un reste de puritanisme les pousse toutefois à interdir le nudisme, mais que reste-t-il à dévoiler lorsque l’on voit les maillots de bain de ces dames ?

Il faut bien le reconnaître, si la plage est la première destination des brésiliennes après avoir fait une chirurgie pour tester l’effet de leurs seins flambant neufs, la femme lambda est grasse, avec de larges hanches. Se côtoient ainsi sur les chaises longues silicone et cellulite.
En s’éloignant de ce petit Ibiza, après avoir dépassé une mangrove, on tombe très rapidement sur de longues étendues vierges que n’atteignent à pied que les quelques européens fatigués de la mollesse des plaisanciers. Au retour de ce paradis écologique, on dégustera bien volontiers un açaï les orteils dans le sable chaud, avant d’aller faire une balade digestive sur les ramparts.
Le retour fut des plus folkloriques. Quand je retrouvai mon sac à dos sur le tapis roulant pour bagages à l’aéroport de São Paulo, le cadenas avait sauté. Le contenu de la poche centrale n’avait pas subi d’altérations. En revanche, 100 reais avaient disparu de la petite poche, ainsi qu’un portable sans valeur (élément indispensable du « kit survie » au cas où l’on se ferait agresser – mieux vaut avoir un portable pourri à donner que son smartphone). Le clou fut lorsque je m’aperçus qu’en lieu et place de ces objets, il y avait 5000 roupies indonésiennes (0,40€), des pièces des Emirats Arabes Unis, du Nigéria, du Kenya et d’un pays asiatique non-identifié !!!

Je remue le problème dans tous les sens, je ne trouve pas l’explication. J’eus cependant l’occasion de tester l’efficacité locale. Au bureau des bagages, on m’orienta au tribunal de l’aéroport qui m’orienta vers le comptoir des bagages perdus qui m’orienta vers la policia civil. Là, une jeune femme qui marchait sans chaussures dans le poste de police avec chaussettes Hello Kitty me fit passer devant un bureau où des gens regardaient une vidéo sur Youtube. Lorsque je revins pour rajouter un élément sur mon attestation que j’avais oublié, on m’apprit que de la demi-douzaine de fonctionnaires présents, aucun ne savait enregistrer une déclaration de perte et que celle à qui j’avais eu à faire juste avant était sortie. Tranqüilo.