Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Todas as viagens têm um retorno

le 31 décembre 2012

De tout voyage, seule compte la fin. Mon périple brésilien ne s’est point achevé lorsque le tampon de la douanière s’apposa fatalement sur mon passeport, encore moins lorsque les échoppes du duty free m’agressèrent de leurs néons tapageurs. Il n’est pas mort lorsque, au creux des étoiles, à quelques encablures sûrement de l’épave corrodée de l’AF447, le steward me versait une poire pour m’aider à dormir. Et il n’a pas non plus cessé tout à fait lorsque je posai le pied sur le tarmac roisséen. Parce qu’il est leur constante commune, ils ne se définissent que par lui. Tous les voyages ont leur retour.

En arrivant sous mon porche, je restai pantoise. Impossible de me souvenir du digicode, au point que je crus qu’on l’avait changé. Pour mon premier petit-déjeuner français, mon frigidaire vide de tout jus de fruit, j’allais pour me servir en eau lorsqu’on me demanda : « Tu ne te presses pas une orange ? ». Ah, tiens, oui… c’est vrai. Je me pressais toujours une orange le matin. Dans ma penderie, qui se garde pourtant bien de s’apparenter à un dressing de première dame, je trouvai sur le premier cintre une veste dont je n’aurais jamais cru qu’elle m’ait appartenu, n’eût-elle été suspendue là. Dans mes bijoux, des boucles d’oreilles qui ne me disaient absolument plus rien, semblaient me narguer et mettre au jour toutes mes omissions. Alors j’ai réalisé que j’avais oublié comment était ma vie ici. Peut-être que les choses ne sont pas si bien ancrées que cela dans notre mémoire.

Au supermarché, les paniers ont changé, les allées ont changé et mon rayon préféré (les collants – ah, dure réalité qu’une vie de femme rythmée par les effilures) a changé. Le coût d’un vélib’ a augmenté. Notre Dame a été ravalée, la façade du Palais de Justice est flambant neuve. Tout a changé et pourtant l’essentiel est là. La Tour Eiffel n’a pas plié boutique et mon chat m’attendait.

Dans la rue, j’eus l’impression de connaître tout le monde. Je me retrouvai soudainement entourée de physionomies auxquelles jamais je n’avais prêté attention auparavant et qui, tout d’un coup, me parurent si familières.

Etonnamment, c’est en France, non pas au Brésil, que je vis les bidonvilles les plus déchirants.
Mais point de vague à l’âme, savourons ce qu’il nous reste de 2012 dans le cœur et préparons l’abordage de nouvelles chinoiseries. J’ai retrouvé la seule saison qui vaille la peine d’être coulée à Paris, l’hiver.

Ô patrie ! ô patrie ! ineffable mystère !
Mot sublime et terrible ! inconcevable amour !
L’homme n’est-il donc né que pour un coin de terre,
Pour y bâtir son nid, et pour [n’]y vivre [qu’]un jour ?


Alfred de Musset, 1855