Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Mais três dias

le 4 août 2012


Je suis retournée au Mercado pour manger un pastel. Il s’agit d’une spécialité japonaise du Brésil (comprendre par là que les japonais du Japon n’en ont jamais vu de leur vie mais que, dans le même temps, aller à Sao Paulo sans avoir mangé de pasteis c’est avoir raté son voyage d’après les paulistes). Pour être tout à fait honnête, c’est juste de la viande autour de laquelle il y a une friture. Ca n’a rien de japonais tout ça, me direz-vous. La petite histoire qui explique cette aberration culinaire est que les japonais ont essayé de faire un rouleau de printemps mais qu’ils avaient la flemme de le rouler donc ils l’ont juste plié puis il l’ont frit.

N. et moi sommes ensuite allés au Museu da lingua portuguesa. Le musée est superbe et c’est un paradis pour quiconque s’intéresse au graphisme. C’est très conceptuel. C’est super. Sauf que… c’est tout en portugais donc on n’a rien compris ! On a juste compris que les brésiliens ramenaient tout au futebol car ils ont fait un parallèle entre les dribles de Ronalidinho et des pas de danse sud-américaine (la danse étant un langage du corps, on retombe sur la langue portugaise). Voilà comment ils se sont justifiés pour avoir (encore) casé un film avec les cinq victoires brésiliennes de la coupe du monde de football dans le musée.

Le musée est situé dans la Estação da Luz, dont j’ai déjà parlé. L’intérieur de la gare est vraiment splendide. Il n’y a que trois quais mais les ferronneries valent le coup d’oeil et observer depuis le grand pont qui enjambe les quais les voyageurs qui déferlent sur le quai est plutôt impressionnant.
Le parque da Luz est agréable et consiste en une bonne illustration d’un point clef de l’atmosphère de SP : le jardin allie le côté carré et contrôlé des jardins à la française à une végétation indomptable et sauvage. On trouve d’ailleurs des fruits du Jacquier qui sont les plus gros fruits du monde qui, d’après mes amis réunionnais, peuvent se manger aussi bien en fruits qu’en légumes.
Le lendemain, nous prîmes la direction de Liberdade, le quartier japonais. On juge utile de rappeler au passage que le Brésil est le pays qui accueille la plus grande communauté japonaise du monde, hormis le Japon, avec 1,5 millions de japonais. Comme nous ne trouvions pas le metrô, nous avons décidé de suivre la rue qui devait nous emmener directement à la place de la Liberdade. Sauf que dans le même quartier il y a la rue du 13 mai et celle du 23 mai. Celle du 23 mai amène chez les japs, celle du 13 amène au coupe-gorge. Après avoir pas mal déambulé dans un quartier pourri sans comprendre pourquoi on ne voyait pas de gentils bridés, et à force de se faire zieuter par tous les mecs louches du coin, on a fini par craquer et monter dans un taxi pour aller au bon endroit. C’est devant un énorme plat de ramen que nous avons regardé Gabrielle Douglas remporter sa médaille d’or aux JO.
Forts de notre petite escapade dans un endroit miteux (la sortie n’en fut pas glorieuse mais l’Histoire se construit dans le déni), nous avons continué sur notre lancée et avons rejoint Centro pour aller voir la vue depuis la terrasse de l’Edificio Italia qui est l’un des plus hauts gratte-ciel de la ville (la tâche noire à gauche de la photo n’est pas un ovni mais un rapace que l’on a identifié comme étant un uburu, qui est une sorte de vautour).
Un peu de flânerie rua Augusta et, enfin, la Rua Oscar Freri : les plus beaux trottoirs de la ville. On remarque qu’il n’y a vraiment pas tant d’enseignes occidentales que ça. Les quelques marques de luxe européennes sont plutôt, sur le modèle anglo-saxon, réfugiées dans les centres commerciaux tandis que les McDo, Starbucks et compagnie se réfugient dans des petites rues adjacentes aux artères principales et n’assument pas du tout leur rôle de compagnon de retour de soirée puisque le McDo ferme à 20h, j’ai l’impression. Le soir nous avons mangé dans un rodizio (restaurant à volonté) très copieux puis nous avons rejoint les exchange students à la Choperia Opção, qui un énorme bar.
Et aujourd’hui, ce fut une grosse blague. Nous avions été invités à une Cervejada (bierre) en pensant que c’était une sorte d’après-midi barbecue sur une pelouse où nous resterions comme des mollusques étendus au soleil. Que nenni ! Il s’agissait de la journée de bizutage des premières années. Les membres du BDE les faisaient entrer dans la cour par groupes de 25 (toutes les 20min ils faisaient entrer un nouveau groupe) et s’en suivaient les minutes les plus longues de la vie de ces pauvres freshmen : oeufs, farine, huile, ketchup, riz, produit vaisselle, bierre, cacao, ail… tout ce cocktail répugnant était projeté sur les étudiants (tassés contre le mur ensemble comme une meute de moutons apeurés) qui en ressortaient trempés, puants, collants et surtout extrêmement sales. C’est vraiment bien pire que ce qui se fait en France en week-end d’inté. Mais le grand intérêt de la journée ce n’était pas du tout ça (sauf pour les deuxième année qui pouvaient enfin supplicier les newbies pour se venger de ce qu’ils avaient enduré l’an passé). Le grand intérêt n’était pas dans la cour mais dans le bâtiment qui n’était rien d’autre qu’un club. Et voilà comment nous nous sommes retrouvés à faire une fête délirante de 15h à 19h comme s’il était deux heures du mat. C’était vraiment ultra amusant. En outre de la musique de boîte de nuit, la bateria (une vingtaine de personnes avec des tambours et des tambourins) qui nous a fait danser sur tout plein de chansons qui avaient l’air propres à la FGV (les étudiants passaient leur temps à crier à « FGV » d’ailleurs). Il y avait en outre une version locale de la macarena fusionnée avec une sorte de danse des canards (true story). C’était très brésilien de danser sur le son des percussions comme ça. Très drôle en tout cas. C’est devenu moins drôle lorsqu’ils ont migré les bizuts sur le dancefloor et que ceux-ci dansaient avec leurs habits plein de ketchup contre nous. Ca a viré au carrément glauque lorsqu’ils ont pris des première année ivres et qu’ils leur ont fait lécher de la Chantilly sur le torse du président du BDE en faisant un lap dance. Je reconnais être partie à ce moment là car ça dégénérait complètement. Hormis ce dernier épisode un peu barbare (mais tellement classique), cet après-midi a été vraiment très drôle.

Le soir, D. et moi avons diné en compagnie de S. et de ses amis brésiliens dans une excellente temakeria (c’est plein de japonais ici) où j’ai goûté mon meilleur suco de limão (c’est vraiment sympa de pouvoir boire des tonnes de jus de fruits presés pour presque rien). Cette soirée fut une bonne petite immersion pour se faire l’oreille au portugais.

Parce qu’il faut bien se confronter à la réalité de ce pays, laissez-moi vous raconter rapidement ce qui est arrivé à une amie brésilienne d’une de mes colocs. Elle a laissé son sac sur une chaise à la terrasse d’un bar tandis qu’elle était debout à discuter avec des gens. Lorsqu’elle est partie elle s’est rendu compte que ladite chaise avait été rapprochée du rebord et que son portefeuille n’était plus là. En appelant sa banque pour faire opposition, elle a appris que les mecs avaient contracté un emprunt par téléphone de R$ 15 000 (6 000 €), et qu’ils en avaient dépensé les trois quarts. Les mecs devaient être de vrais professionnels sachant soit pirater tous les systèmes, soit ayant des complices partout. Sinon comment expliquer qu’ils aient réussi à débloquer un emprunt uniquement par téléphone et dans l’heure, qu’ils aient pu retirer d’énormes montants cash au distributeur sans même connaître le code secret des cartes bancaires, ou qu’ils aient dépensé R$ 1 000 dans une boulangerie à 2h du mat ?