Curiosix Une parisienne parmi les paulistes

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Um Mês !

le 28 août 2012

Si 20% de mon temps ici s’est déjà écoulé, je suis loin malheureusement de dire que je maîtrise un cinquième de la língua portuguesa. Je suis néanmoins passée dans le cours de niveau supérieur en Portugais et j’arrive à me débrouiller, au point de réussir à tenir une conversation samedi soir lorsque David a joué le rabatteur pour nous trouver des Brésiliens à qui parler dans un club de samba.

La France reste toutefois présente dans nos cœurs puisque nous avons organisé une soirée crêpes samedi à laquelle une quinzaine de fins gastronomes fut conviée. Cette soirée marqua, sinon la supériorité de la France en matière de cuisine sophistiquée, le retour du Bisphénol A puisque le pot de Nutella ne fit pas long feu, la bande d’Européens agonisants que nous étions ayant enfin retrouvé ses couleurs à la vue ce cher vieil ami.


Un hammam pour la poêle
Notre soirée crêpes aurait pu toutefois virer au désastre puisque notre poêle a failli rendre l’âme cette semaine. Les cinq secondes durant lesquelles j’ai détourné mon regard de la cuisinière à gaz suffirent pour que le couvercle se fasse happer par la poêle. La succion était si forte que, rien à faire, mes berinjelas (aubergines) restaient emprisonnées par l’ensemble. Après avoir épuisé les solutions classiques (congélateur, remettre sur le feu, taper dessus, tenter un appel d’air avec une lame), nous essayâmes des stratagèmes plus alambiqués comme prendre une douche avec ou lui faire un hammam (voir photo). Prêtes à descendre dans le jardin derrière l’immeuble comme des criminelles pour rosser la malheureuse poêle, celle-ci se décida enfin à libérer mon dîner sous l’action conjointe du levier d’une grande cuillère et du couteau de boucher (affamées nous nous apprêtions au carnage).

En fin de compte, repus, nous décidâmes de nous rendre dans un club de samba pour faire un semblant d’activité physique. Nous ignorions encore à ce moment-là à quel point nous nous leurrions. Les clubs de samba sont assez sympas à première vue, ce sont de petites salles intimistes avec de vrais musiciens qui jouent en live. Ces endroits sont très populaires et malheureusement rapidement bondés ce qui fait qu’il n’y a aucun espace pour danser. La samba est donc, comme la plupart des danses latines, une danse au corps-à-corps qui ne bouge pas; la musique n’étant d’ailleurs pas entraînante du tout. L’ambiance est sympa puisque tout le monde discute et qu’il est facile de faire des rencontres. En revanche, danser serré contre des inconnus est plutôt désagréable.

C’est malheureusement culturel ici puisque lorsque j’ai pris un cours de forró, la salle de danse ayant beau être vide, il fallait absolument que l’on danse avec la jambe dans l’entre-jambe de nos partenaires masculins. Cette proximité absolument désagréable pour des occidentaux va de pair avec un autre comportement un peu dérangeant : le libertinage. Si deux femmes s’embrassant en public est déjà inhabituel, que dire lorsqu’un garçon vint prendre sa part et qu’ils passèrent tous trois la soirée au milieu du club à se toucher les uns les autres sans que cela ne choque aucun autochtone ? On se croyait revenu quatre ou cinq décennies en arrière, quelque part entre Woodstock et la Sorbonne.

La société brésilienne est pleine de contradictions sur le sujet de la liberté sexuelle d’ailleurs. On sait les brésiliens très religieux, on sait moins que les jeunes adultes ne quittent pas le domicile parental tant qu’ils ne sont pas mariés. Et la contrepartie de ce conservatisme apparent est la multiplication des motels et des love-hôtels. Il est aussi fréquent, voire normal, d’avoir plusieurs PCF que d’avoir un(e) petit(e) ami(e). D’ailleurs, sur tous les documents officiels, le nom de famille exigé est celui de la mère, celui du père étant optionnel tant il y a de personnes l’ignorant.
Un dernier petit mot sur le Pau Brasil Bar, le club de Samba où nous nous sommes rendus. Comme mentionné précédemment, ce genre de club est très intimiste. L’entrée est ainsi des plus rocambolesques : une porte des moins charmantes derrière une station service. Si bien que l’endroit se voit désormais dénommé par nous autres « The Door ». Il faut bien de l’imagination pour deviner qu’une soixantaine de personnes s’entasse derrière ces murs.

"Uma nação com mais de 30 milhoes de loucos"
(une nation avec plus de trente millions de fous - fans des Corinthians)
Futebol ! J’ai assisté dimanche à un match de football opposant les Corinthians (seconde équipe la plus suivie du Brésil) au São Paulo FC. Les deux équipes étant toutes les deux originaires de SP (il y a quatre équipes en tout à SP mais celles-ci sont les plus importantes), cette configuration de match déchaîne en général les passions, c’est ce que l’on appelle un derby. Le stade était cerclé de gardes montés anti-émeutes et des policiers patrouillaient dans le stade durant le match. Ce niveau de sécurité était impressionnant et montre bien que les brésiliens se préparent à accueillir la coupe du monde de 2014.
Malheureusement pour l’ambiance, les Corinthians, qui jouaient à domicile, ont perdu 2-1. Et ce malgré leurs vociférations haineuses, leurs doigts d’honneur, les innombrables filho da puta adressés à l’arbitre et les sortilèges jetés aux joueurs de l’équipe adverse (les supporters se lèvent, ferment les yeux, lèvent les bras vers le joueur et secouent les mains comme s’ils étaient en transe). Ils ont bien évidemment une gamme de chansons charmantes pour tout un panel de circonstances (critiquer l’arbitre qui n’a pas sifflé une faute de l’équipe adverse, critiquer l’arbitre qui a sanctionné une faute faite par l’un de leurs joueurs, critiquer l’arbitre qui n’a pas vu une faute, critiquer l’arbitre lorsque cela fait trop longtemps qu’il n’a pas été critiqué, etc.) qui sont généralement accompagnées d’un large éventail de gestes gargantuesques qui ferait croire à la fin du monde à chaque fois que la balle change de pied. Finalement, Brésil oblige, il y avait une fille en sous-vêtements qui s’est trémoussée tout en haut de notre tribune durant l’heure et demie de jeu. Elle agrémentait le match de ses déhanchés de façon purement bénévole semble-t-il, à moins qu’elle ne cherchât à se faire un coup de pub pour booster sa carrière de miss météo. Cela excepté, c’était tout de même super !

Ce lundi ainsi que lundi prochain, nous avons un cours donné par une professeur de la Tsinghua, l’université pékinoise dans laquelle je me rends au prochain semestre. Du coup, nous avons eu l’honneur d’avoir la présidente de l’université assise parmi nous comme une simple élève et qui venait assister au cours. Mme Taotao était toute désolée devant un graphique de l’ONU : « ils ont différentié Taïwan de la Chine sur ce graphique, j’espère que cela ne vous dérange pas ». Non, on devrait survivre, surtout l’étudiant taïwanais qui était présent dans la salle et qui a gardé un calme olympien. Par contre le Tibet présenté comme une province chinoise tout ce qu’il y a de plus classique sur les cartes, ça nous dérange un peu plus… Elle nous a aussi appris que le yuan n’est pas du tout sous-évalué, son cours étant totalement flottant.

Petit fait de société révélateur de l’enrichissement de la population : ici ce sont les adultes qui portent des appareils dentaires ! Rien de plus normal qu’un(e) quadragénaire avec des bagues. La technologie pour redresser les dents n’a rien de compliqué, si les choses sont comme elles sont ici c’est vraiment uniquement lié à l’augmentation du pouvoir d’achat, l’appareil étant un signe extérieur de richesse.

Ce post était un peu moins glamour que les précédents, je suis obligée de le reconnaître, mais le Brésil n’est pas vraiment un pays glamour. S’ils cultivent le mythe du beau corps et adorent faire du sport le week-end, ne vous attendez pas à ne voir que des belles choses sur les plages.